le 27/08/2020

La Cour de cassation précise la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitutionnel sur le cumul de sanctions pénales et fiscales dans le cadre du délit de fraude fiscale

Cass. Crim., 24 juin 2020, n° 19-81.134

Par deux décisions n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 et n° 2016-546 QPC du 22 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a considéré que l’article 1741 du Code général des impôts – texte d’incrimination des fraudes fiscales – qui prévoit, en sus des sanctions fiscales, la possibilité de prononcer des sanctions pénales, est conforme au principe constitutionnel de nécessité des délits et des peines, tout en réservant cette possibilité de cumul aux cas les plus graves de fraudes par dissimulation de sommes soumises à l’impôt. 

Dans une décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, le Conseil constitutionnel qui a étendu cette réserve aux cas les plus graves d’omissions déclaratives frauduleuses, a précisé que « cette gravité peut résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention ». 

La décision du 24 juin 2020 de la Chambre criminelle constitue une illustration intéressante de cette grille d’appréciation fixée par le Conseil constitutionnel.  

En l’espèce, le prévenu, gérant d’une société dont il était l’associé unique, était poursuivi des chefs d’omissions de déclarations de l’impôt sur les sociétés et de la TVA et avait été condamné par la Cour d’appel à une sanction pénale. 

Le prévenu, considérant, d’une part, que la Cour d’appel avait méconnu la réserve posée par le Conseil constitutionnel en considérant qu’elle ne s’appliquait qu’aux cas de fraudes par dissimulation des sommes soumises à l’impôt – et non d’omission -, s’est pourvu en cassation. 

En application de la décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 2018 susvisée, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, en veillant toutefois à rappeler que la réserve d’interprétation constitutionnelle s’applique également aux cas les plus graves d’omission déclarative frauduleuse.  

D’autre part, le prévenu reprochait à la Cour d’appel d’avoir considéré que les faits constituaient un cas grave d’omission déclarative, sans indiquer concrètement les motifs de cette interprétation au regard de la situation en cause.  

Sur ce point, la Chambre criminelle précise que « la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel selon laquelle seuls les faits présentant une certaine gravité peuvent faire l’objet, en complément de sanctions fiscales, de sanctions pénales, ne s’applique que lorsque le prévenu justifie avoir fait l’objet, à titre personnel, d’une sanction fiscale pour les mêmes faits ».  

En d’autres termes, pour que la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitutionnel soit applicable au cas d’espèce, il aurait fallu que le prévenu puisse justifier d’une condamnation sur le plan pénal et fiscal, à titre personnel, pour les mêmes faits ; tel n’était pas le cas. 

Par cet arrêt qui s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation, la Chambre criminelle a entendu rappeler aux juges du fond les contours de la réserve d’interprétation constitutionnelle sur le cumul des peines pénales et fiscales.