le 07/06/2018

La collectivité territoriale acceptant de prendre à sa charge une partie des coûts de raccordement au réseau de distribution d’électricité d’une ZAC n’est pas un « utilisateur du réseau » pour le CoRDIS.

Décision n° 09-38-15 du 16 mars 2018

La collectivité territoriale acceptant de prendre à sa charge une partie des coûts de raccordement au réseau de distribution d’électricité d’une ZAC n’est pas un « utilisateur du réseau » pour le CoRDIS.

Par une décision du 16 mars 2018 publiée le 19 avril 2018 au Journal Officiel de la République française, le Comité de règlement des différends (ci-après le « CoRDIS ») de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) donne une définition très restrictive de la notion d’utilisateur de réseaux au sens de l’article L. 134-19 du Code de l’énergie en écartant de son champ d’application les collectivités territoriales prenant à leur charge une partie des coûts du raccordement d’une ZAC.

En charge du projet de zone d’aménagement concerté (ci-après la « ZAC ») de la Porte des Pyrénées sur le territoire de la commune de Lons, la société d’équipement des Pays de l’Adour (la « SEPA ») avait formulé en novembre 2009 une demande de raccordement de la ZAC au réseau public de distribution d’électricité auprès de la société Enedis, qu’elle avait ensuite complété le 11 mai 2011 à la demande du gestionnaire du réseau.

Au cours d’une réunion entre les parties prenantes du projet de la ZAC, la société Enedis a présenté comme nécessaire la création d’un nouveau transformateur au poste source de « Pau Nord » pour un montant de 2,5 millions d’euros. Après plusieurs échanges et réunions entre 2011 et 2013, une convention relative aux travaux à réaliser sur le poste source de Pau Nord a été conclue le 18 décembre 2013 entre la communauté d’agglomération Pau Pyrénées (ci-après la « CAPP »), la communauté de communes des Luys en Béarn (ci-après la « CCLB »), le Syndicat d’Energie des Pyrénées Atlantiques (ci-après le « SDEPA ») et la société Enedis.

Cette convention prévoyait que le CCLB et la CAPP prennent à leur charge 60 % du coût des travaux relatifs au poste source de « Pau Nord », dont la création d’un nouveau poste de transformation, avec une répartition de 70 % du coût des travaux à la CAPP, et 30 % à la CCLB.

A la suite de cette signature et au cours de plusieurs autres échanges, Enedis a adressé, le 12 juin 2015, à la CAPP et à la CCLB une facture d’un montant de 928.746 euros et de 398.034 euros respectivement.

Par un courrier du 20 juillet 2015, la CAPP et la CCLB ont contesté cette facture au visa de nombreuses réserves émises en juin 2011 et février 2014 tenant, d’une part, à ce que l’ajout du nouveau transformateur ne pouvait être considéré comme la seule opération de raccordement de référence envisageable et, d’autre part, que « la conclusion des conventions relatives aux contributions financières avait été guidée par la nécessité de ne pas bloquer les projets de développement », dès lors que la société Enedis aurait soutenu que ces projets « n’auraient pas pu être raccordés en l’absence de ces contributions financières signées ».

Le 28 juillet 2015, estimant que les conditions techniques et financières de leurs contributions financières aux travaux d’extension n’étaient pas satisfaisantes, la CAPP et la CCLB ont saisi le CoRDIS afin de solliciter le règlement du différend les opposant à la société Enedis dans le cadre exposé ci-avant.

Toutefois, en se déclarant incompétent pour connaître de la demande de la CAPP et la CCLB, le CoRDIS n’aborde pas, dans la décision commentée, le fond de l’affaire.

En effet, après avoir rappelé les dispositions de la directive n°2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et celles de l’article L. 134-19 du Code de l’énergie, le CoRDIS estime dans la décision commentée que « (…) dans le cas où un différend (…) porte sur le raccordement au réseau en vue de l’accès d’un utilisateur à ce réseau, le comité ne peut être saisi que par le gestionnaire du réseau ou la personne qui a demandé le raccordement ».

Et, toujours dans la décision commentée du CoRDIS, l’aménageur « peut être regardé comme un utilisateur du réseau, recevable à saisir le comité de règlement des différends et des sanctions, dès lors qu’il a fait une demande de raccordement » mais « la circonstance qu’une collectivité publique accepte de prendre à sa charge tout ou partie des coûts exposés pour l’extension du réseau public dans le cadre du raccordement d’une zone d’aménagement concertée ne peut conférer à cette collectivité la qualité d’utilisateur du réseau ».

En l’espèce, la SEPA (l’aménageur) était à l’origine de la demande de raccordement au réseau de la ZAC de la Porte des Pyrénées et elle seule dispose, à ce titre, de la qualité d’utilisateur de réseau.

En revanche, le CoRDIS n’admet pas cette qualité à la CAPP et à la CCLB qui contribuent au financement du raccordement de la ZAC, alors même que celles-ci se sont « substituées » à la SEPA dans ses relations avec la société Enedis en acceptant de prendre en charge une partie du financement du raccordement de la ZAC au réseau public de distribution d’électricité.

En conséquence, le CoRDIS rejette les demandes de règlement de différends de la CAPP et de la CCLB au motif de son incompétence pour connaître du différend les opposant à la société Enedis dans le cadre de l’aménagement de la ZAC de la Porte des Pyrénées.

Cette lecture restrictive est préjudiciable aux collectivités publiques qui se trouvent dans la situation de soutenir financièrement un projet. Une telle situation s’impose également aux collectivités territoriales en charge de l’urbanisme qui sont appelées à supporter de droit une contribution en vue du raccordement d’un utilisateur au réseau public de distribution d’électricité. Dans ces deux cas, c’est donc vers la juridiction administrative qu’il y a lieu de se tourner pour contester le chiffrage opéré de ces financements, si telle est l’intérêt de la collectivité contributrice.