le 14/03/2019

Jurisprudence administrative sur les certificats d’économie d’énergie

CE, 15 février 2019, Société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne, n° 409456

CAA Paris, 21 février 2019, Société Séolis, n° 17PA01507.

Dans deux affaires récentes, le Conseil d’Etat et la Cour administrative d’appel de Paris ont complété la jurisprudence abondante sur les Certificats d’Economie d’Energie (ci-après « CEE »).

Pour rappel, les fournisseurs d’électricité (dont les ventes dépassent 400 millions de kilowattheures par an[1]) sont soumis, en vertu de l’article L. 221-1 du Code de l’énergie, à des obligations d’économies d’énergie et peuvent s’en libérer en produisant des CEE obtenus ou acquis.

Les modalités de délivrance des CEE par le ministre de l’énergie sont encadrées aux articles R. 221-14 à R. 221-25 du Code de l’énergie. Un arrêté du 29 décembre 2010 fixe la composition d’une demande de délivrance de CEE, et impose notamment au demandeur la production de justificatifs pour chaque opération d’économie d’énergie réalisée.

Dans l’arrêt commenté de la Cour administrative d’appel de Paris en date du 21 février 2019, la société Séolis a interjeté appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 mars 2017 rejetant sa requête d’annulation de la décision du ministre en charge de l’énergie du 30 septembre 2015 portant refus de la délivrance de CEE.

La question principalement posée à la Cour était de savoir, dans cette affaire, quelles sont les preuves pouvant être apportées par le demandeur de CEE aux fins de justifier, conformément à l’article R. 221-22 du Code de l’énergie, son « rôle actif et incitatif » dans la réalisation d’une opération d’économie énergie.

Aux termes de l’article R. 221-22 du Code de l’énergie, est considéré comme un rôle actif et incitatif « toute contribution directe, quelle qu’en soit la nature, apportée, par le demandeur ou par l’intermédiaire d’une personne qui lui est liée contractuellement, à la personne bénéficiant de l’opération d’économies d’énergie et permettant la réalisation de cette dernière ».

Cette contribution peut être démontrée à l’appui d’une « description de la contribution du demandeur », de « la justification que cette contribution est directe et intervenue antérieurement au déclenchement de l’opération », ou d’« une attestation sur l’honneur signée par le bénéficiaire de l’opération […] » (cf. annexe de l’arrêté du 29 décembre 2010 précité).

Rejetant sept moyens d’annulation de la société Séolis, la Cour a néanmoins retenu que le ministre en charge de l’énergie avait en l’espèce commis une erreur d’appréciation sur les opérations d’économie d’énergie réalisées par Séolis pour six de ses clients.

En effet, la société Séolis a produit, en appel, les factures, attestations d’honneur ainsi qu’un rapport délivré aux clients concernés avant la réalisation des travaux, et portant sur un « diagnostic gratuit de l’état du logement de l’intéressé réalisé sur place » et des « préconisation(s) pour l’amélioration de son isolation et de ses équipements ». La Cour a donc jugé que ces rapports étaient suffisants pour démontrer le rôle actif et incitatif de la société Séolis concernant les opérations des six clients concernés.

En revanche, la Cour n’a pas retenu les autres justificatifs produits par la société Séolis, considérés comme insuffisamment probants, à savoir des contrats de partenariat commercial conclus avec des sociétés tierces, des lettres d’information annexées aux factures d’électricité des abonnés, ou encore des attestations de fin de travaux.

Annulant le jugement attaqué, la Cour a également fait droit aux conclusions à fins d’injonction de la société Séolis en enjoignant au ministre chargé de l’énergie de réexaminer les demandes de la société concernant les opérations des six clients susmentionnés dans un délai de deux mois.

En effet, le manquement aux obligations d’économies d’énergies par ses assujettis peut faire l’objet de sanctions, notamment pécuniaire, en application des articles L. 222-1 du Code de l’énergie et suivants, et ce après mise en demeure du ministre de l’énergie.

Dans l’autre décision commentée, rendue par le Conseil d’Etat le 15 février 2019, le ministre en charge de l’énergie s’est pourvu en cassation contre un arrêt du 2 février 2017 de la Cour administrative d’appel de Versailles ayant annulé la pénalité que le ministre avait infligé à la société d’exploitation et de distribution d’énergie parisienne (SEDEP) d’un montant de 138.298,76 euros.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a considéré que la Cour n’avait pas pu retenir que la société SEDEP « avait déposé des demandes permettant de justifier de la réalisation effective d’actions d’économies énergie, sans être invitée par l’administration compétente à compléter ces demandes dans un délai donné et, d’autre part, […] sans que l’administration remette en cause la réalité des actions ainsi déclarées » par cette société.

En effet, il était constant, d’après les pièces du dossier soumis au Conseil d’Etat, que la société SEDEP ne s’était pas conformée à ses obligations d’économie d’énergie dans les délais exigés, et qu’elle n’avait pas donné suite à la mise en demeure de les satisfaire adressée par le ministre de l’énergie.

Le Conseil d’Etat a donc annulé l’arrêt attaqué et renvoyé l’affaire devant la Cour administrative de Versailles.

[1] Cf. article 221-3-5° du code de l’énergie