le 10/01/2018

GeMAPI : les dernières évolutions législatives de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations pour une mise en œuvre au 1er janvier 2018

Loi Fesneau du 30 décembre 2017 n° 2017-1838

Déposée le 17 octobre 2017, la proposition de loi Fesneau a été discutée sur les mois de novembre et décembre pour être finalement définitivement adoptée le 30 décembre 2017 (loi n° 2017-1838). Ainsi que cela avait été annoncé, il n’était pas question ici de laisser un nouveau délai aux collectivités pour organiser l’exercice de la compétence mais de préciser ou modifier certaines dispositions jusqu’alors applicables pour favoriser une meilleure gouvernance. Les principales mesures adoptées par cette nouvelle loi doivent immédiatement être présentées.

1 – Affirmation du rôle des départements et des régions

Le transfert de la GeMAPI aux communes et EPCI à fiscalité propre, tel que prévu par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014, dite MAPTAM, avait pour effet de priver les départements, les régions et leurs groupements du droit de toute intervention dans ce domaine. L’article 59 de la loi avait toutefois prévu un dispositif transitoire permettant à ces collectivités de maintenir leur participation dans les domaines de la GeMAPI dans lesquels ils contribuaient avant l’adoption de la loi, jusqu’au 1er janvier 2020. La loi prévoyait également une intervention de l’Etat pour la gestion de ses digues jusqu’au 27 janvier 2024.

Si cette période transitoire était nécessaire dans la mesure où un grand nombre de départements et de régions participaient, soit par en tant que membres de syndicats mixtes, soit par le versement d’aides financières, elle n’était pas encore suffisante au vu de l’importance de ces participations et des difficultés soulevées par l’interdiction pour ces collectivités de participer aux financements des missions de la GeMAPI à compter de 2020.

Pour y remédier, la loi du 30 décembre 2017 permet ainsi aux départements et aux régions de continuer à assurer, au-delà du 1er janvier 2020, les missions de la GeMAPI qu’ils assuraient au 1er janvier 2018. L’Assemblée nationale a toutefois souhaité encadrer leur intervention par la conclusion avec les EPCI concernés (ou encore avec les communes mentionnées à l’article L. 5210-1-1 du Code général des collectivités territoriales – CGCT), pour une durée de cinq ans, d’une convention qui détermine « notamment les missions exercées respectivement par le département ou la région, d’une part, par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, d’autre part, ainsi que la coordination de leurs actions et les modalités de financement de ces missions ».

Aucune nouvelle disposition n’est toutefois adoptée concernant le rôle de l’Etat pendant la période transitoire accordée par la loi MAPTAM ni au-delà.

2 – Mise en œuvre d’une « période transitoire » de responsabilité des EPCI compétents

La proposition de loi initiale prévoyait une disposition par laquelle la responsabilité des EPCI compétents en GeMAPI serait limitée, jusqu’au 31 décembre 2019, à « ce qui concerne l’organisation de la compétence à la suite du transfert au 1er janvier 2018 ».

Cette disposition n’a finalement pas été retenue mais remplacée par une modification de l’article L. 562-8-1 du Code de l’environnement, relatif à la responsabilité des EPCI en matière d’inondation.

Désormais l’article est complété des dispositions suivantes : « Lorsqu’une commune ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre s’est vu mettre à disposition un ouvrage en application de l’article L. 566-12-1, si un sinistre survient avant l’expiration du délai maximal fixé par le décret en Conseil d’Etat mentionné au troisième alinéa du présent article, à l’échéance duquel l’ouvrage n’est plus constitutif d’une digue au sens du I de l’article L. 566-12-1 ou est réputé ne pas contribuer à la prévention des inondations et submersions, la responsabilité du gestionnaire de l’ouvrage ne peut être engagée à raison des dommages que celui-ci n’a pas permis de prévenir, dès lors que ces dommages ne sont pas imputables à un défaut d’entretien de l’ouvrage par le gestionnaire au cours de la période considérée ».

Ces nouvelles dispositions ont vocation à régir la responsabilité de l’EPCI compétent en matière de GeMAPI pendant la période de mise en conformité des ouvrages qui leur ont été mis à disposition en application de l’article L. 566-12-1 du code de  l’environnement. Ce délai est fixé par les articles R. 562-14 C. env., relatif à la définition des systèmes d’endiguement, et R. 562-19 du même code, relatif à la définition des aménagements hydrauliques, issus du décret digues (décret n° 2015-526 du 12 mai 2015) au 31 décembre 2019 lorsque les ouvrages (digues ou barrages) relèvent de la classe A ou de la classe B et au 31 décembre 2021 lorsqu’ils relèvent de la classe C. En effet, à l’issue de ce délai, soit les ouvrages sont intégrés dans un système d’endiguement ou un aménagement hydraulique, soit ils sont « neutralisés », c’est-à-dire qu’ils n’ont plus vocation à prévenir contre les inondations. Pendant cette période de définition des systèmes d’endiguement et des aménagements hydrauliques, la loi prévoit donc désormais qu’en cas de survenance d’un dommage, la responsabilité de l’EPCI ne semble pas devoir être engagée automatiquement mais seulement si « ces dommages ne sont pas imputables à un défaut d’entretien de l’ouvrage par le gestionnaire au cours de la période considérée ». Cette formulation reste toutefois assez vague et semble laisser une place importante à l’interprétation.

3 – Précision sur le transfert de compétence aux syndicats

Dès la version initiale de la proposition de loi, deux sujets ont été abordés qui avaient posé question dans le cadre des études de gouvernance préalable à la mise en place de la GeMAPI :

–          la possibilité pour un syndicat mixte ouvert d’adhérer à un autre syndicat mixte ouvert ;

–          la possibilité de scinder la compétence non seulement entre les items mais également au sein de chacun d’eux, cette seconde possibilité étant nommé « sécabilité intra-item ».

Le rôle important des syndicats dans la gestion de l’eau et surtout leur existence avec la création de la compétence GeMAPI rendait la résolution de ces problématiques primordiales. La loi du 30 décembre 2017 adopte donc de nouvelles dispositions pour régir les situations précitées et en profite pour introduire un dispositif nouveau concernant la délégation de la compétence :

–          d’abord, l’ambigüité existante concernant la possibilité pour un syndicat mixte ouvert d’adhérer à un autre syndicat mixte ouvert est levée : une telle adhésion est désormais expressément prévue par l’article L. 211-7 I quater du Code de l’environnement qui dispose que « Par dérogation à la règle selon laquelle un syndicat mixte ouvert mentionné à l’article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales ne peut adhérer à un autre syndicat mixte ouvert, un tel syndicat exerçant l’une des missions mentionnées aux 1°, 2°, 5° et 8° du I du présent article peut, jusqu’au 31 décembre 2019, au titre de ces compétences et avec l’accord du préfet coordonnateur de bassin, adhérer à un autre syndicat mixte ouvert ». Cette formulation peut étonner dans la mesure où il n’existe en réalité aucune règle légale interdisant l’adhésion d’un syndicat mixte ouvert à un autre. Par ailleurs, elle limite la possibilité d’une telle adhésion dans le temps, celle-ci étant, à compter du 1er janvier 2020, envisageable dans la seule hypothèse où le syndicat mixte ouvert qui souhaite adhérer à un autre est un EPAGE et que la structure d’accueil est un EPTB ;

–          de plus, l’article L. 5211-61 du CGCT, relatif au transfert de certaines compétences (cours d’eau, eau potable, assainissement, déchets, électricité et gaz) d’un EPCI ou un EPT à un syndicat sur un partie seulement de son territoire (transfert partiel géographique) est modifié de manière à intégrer expressément la sécabilité de la compétence dans son contenu et plus encore la sécabilité intra item.

L’article L. 5211-61 du CGCT dispose donc désormais que : « En matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou un établissement public territorial peut transférer à un syndicat de communes ou à un syndicat mixte l’ensemble des missions relevant de cette compétence, définie au I bis de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, ou certaines d’entre elles, en totalité ou partiellement. Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce transfert total ou partiel peut être réalisé au profit d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte sur tout ou partie du territoire de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de l’établissement public territorial ou au profit de plusieurs syndicats situés chacun sur des parties distinctes du territoire de l’établissement ».

–          Enfin, s’agissant de la délégation de compétence du Code de l’environnement, il convient de noter, en premier lieu que la sécabilité intra items et la délégation partielle géographique sont également expressément prévues par la modification des articles L. 5211-61 du CGCT ainsi que de l’article L. 213-12 C. env. qui renvoient à la notion de délégation de l’ensemble des missions de la GeMAPI ou certaines d’entre elles, en totalité ou partiellement, sur tout ou partie du territoire de l’EPCI à fiscalité propre concerné. 

Toutefois, si les articles L. 5211-61 du CGCT et L. 213-12 C. env. sont complétés de manière à prévoir les modalités de cette délégation pour les EPTB et les EPAGE, l’article 4 point III de la loi introduit un dispositif transitoire, jusqu’au 31 décembre 2019, pendant lequel la délégation est également possible au profit d’un syndicat mixte de droit commun.

Pour être complet, on noter que l’article 4 de la loi introduit de nouvelles dispositions à l’article 59 de la loi MAPTAM destinées, a priori, à valider les délibérations qui ont été adoptées par certains EPCI avant qu’ils en détiennent la compétence GeMAPI, visant à opérer le transfert de cette compétence à des syndicats avant le 1er janvier 2018 :

« IV bis.- Un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui n’assure pas les missions mentionnées au I du présent article peut décider, par délibération prise avant le 1er janvier 2018, de transférer l’ensemble de ces missions ou certaines d’entre elles, en totalité ou partiellement, à un syndicat de communes ou à un syndicat mixte, sur tout ou partie de son territoire, ou à plusieurs syndicats situés chacun sur des parties distinctes de son territoire ».

La loi ne semble exclure aucune évolution ultérieure des textes. En effet, deux dispositions de la loi prévoient la rédaction de rapports destinés à établir un premier bilan de l’exercice de la compétence :

–          le premier doit être présenté dans les six mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2017. Il s’agit d’un rapport d’évaluation des conséquences, pour la gestion des fleuves, des zones côtières et des digues domaniales ainsi que dans les zones de montagne qui a vocation à présenter « un bilan de la protection du territoire national contre les risques d’inondations fluviales et de submersion marine et étudie notamment les évolutions institutionnelles et financières possibles de cette gestion ». Ce rapport doit évaluer « l’application dans les territoires ultramarins du transfert de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre » ;

le second doit être présenté dans un délai de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2017 et mentionner « les types d’opérations et d’équipements susceptibles d’être financés par le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l’article L. 561-3 du code de l’environnement et par le produit de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations mentionnée à l’article 1530 bis du code général des impôts. Dans ce même rapport, le Gouvernement indique quelles modifications législatives ou réglementaires il envisage, afin de : 1° Préciser la répartition des compétences en la matière entre les collectivités territoriales et leurs groupements ; 2° Clarifier l’articulation entre la mission de maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement et de lutte contre l’érosion des sols mentionnée au 4° du I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, le service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines mentionné à l’article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales, et la compétence en matière d’assainissement mentionnée à l’article L. 2224-8 du même code ; 3° Améliorer le financement des opérations et équipements concourant à la prévention des inondations par la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ».

Clémence DU ROSTU – Avocat à la Cour