le 12/07/2016

Emplacements réservés et double destination

CE, 20 juin 2016, n° 386978

En vertu des anciennes dispositions de l’article L. 123-1-5 du Code de l’urbanisme, le Règlement du Plan local d’urbanisme doit fixer les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols.  

A ce titre, le Règlement peut fixer des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d’intérêt général ainsi qu’aux espaces verts.

En contrepartie de cette servitude, le propriétaire concerné bénéficie d’un droit de délaissement permettant d’exiger de la collectivité au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu’elle procède  à son acquisition.

Il est constant que la jurisprudence sanctionne la réalisation, sur un emplacement réservé, d’une opération différente de celle initialement déterminée, la non-conformité de l’opération à la destination de la réserve étant fermement condamnée (CE, 26 mai 1999, n° 137965).

 Le Juge administratif avait déjà eu l’occasion de juger qu’un projet de construction compatible, n’ayant pas « une destination substantiellement différente de celle pour laquelle la réserve figure au plan » pouvait être mis en œuvre (CAA Marseille, 23 mars 2009, n° 06MA02709).

En outre, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé qu’un permis de construire avait pu être régulièrement délivré sur une partie de terrain grevée d’un emplacement réservé mais désormais inutile compte tenu de l’entier achèvement des travaux de construction de la voie nouvelle pour laquelle le terrain avait été réservé (CAA. Bordeaux, 12 février 2007, n° 04BX00214).

Récemment, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur une question nouvelle qui pouvait faire débat mais dont la solution reste dans la droite ligne de la jurisprudence rendue jusque là en la matière.

Dans cette affaire, un terrain avait été grevé d’une servitude pour emplacement réservé en vue de la réalisation d’un poste de redressement de la RATP, équipement technique lié au tramway.

Un permis de construire avait ainsi été délivré à la filiale immobilière de la RATP portant, d’une part, sur la réalisation de ce poste, d’autre part, sur la réalisation d’un immeuble de logement au dessus de ce poste de redressement.  

Un collectif voisin avait alors formé un recours contre ce permis, en invoquant notamment la prétendue illégalité du permis au vue de la servitude d’emplacement réservé qui, selon lui, ne permettait pas que soit réalisé sur ces terrains un immeuble de logements.  

Saisi de cette interrogation, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé le principe selon lequel l’autorité compétente est tenue de refuser toute demande dont l’objet ne serait pas conforme à la destination de l’emplacement réservé.

En revanche, il a ensuite précisé que « un permis de construire portant à la fois sur l’opération en vue de laquelle l’emplacement a été réservé  et sur un autre projet peut être légalement délivré, dès lors que ce dernier projet est compatible avec la destination assignée à l’emplacement réservé » (CE, 20 juin 2016, Simoneau c/ Commune de Saint Denis, n° 368978).  

Dans ces conditions, il a validé la position des Juges du fond en confirmant qu’aucune disposition n’interdisait de réaliser, sur la parcelle grevée d’un emplacement réservé pour la réalisation d’un poste de redressement, non seulement ledit poste de redressement, mais également des logements, ces deux projets n’étant nullement incompatibles.