le 16/05/2016

La « domanialité publique virtuelle » après l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques

CE, 13 avril 2016, Commune de Baillargues, n° 391431

Dix ans après l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personne publique, le Conseil d’Etat a, par une décision du 13 avril 2016, mis fin à un important débat que ce code avait fait naître, et qui consistait, pour la majorité de la doctrine, à considérer que le nouveau code avait clairement marqué l’abandon de la « théorie » de la domanialité publique virtuelle.

Il faut rappeler qu’aux termes de cette « théorie », un bien appartenait au domaine public dès lors qu’il était destiné, de façon certaine, à être affecté à un service public moyennant des aménagements spéciaux (CE, 6 mai 1985, Association Eurolat, n° 41589 ; CE, 1er octobre 2013, Société Espace Habitat Construction, n° 349099 ; CE, 29 juin 2015, Centre Hospitalier de Mention, n° 368299).

Or, beaucoup considéraient que cette « théorie » ne pouvait plus trouver à s’appliquer depuis l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques. Mais les fondements de cette thèse demeuraient fragiles : la circonstance que la définition du domaine public, fixée par l’article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personne publiques, était rédigée à l’indicatif présent témoignait pour la plupart d’un abandon de cette théorie ; et beaucoup d’auteurs se réfugiaient également derrière le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 – document dépourvu de « valeur » juridique – ainsi que derrière une décision du Conseil d’Etat du 8 avril 2013, Association ATLALR, n° 363738 – dont la portée pouvait être discutée.

Le 13 avril 2016, le Conseil d’Etat a clairement tranché la question, en considérant que «  quand une personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public ».

Que l’on se place avant ou après l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques, il est donc acquis qu’un bien appartient au domaine public non seulement quand il est effectivement aménagé pour les besoins de l’exécution d’une mission de service public, mais aussi, dès lors qu’une personne publique a décidé de l’affecter à un service public et qu’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine.

En pratique, les conséquences de cette décision sont importantes, et ce notamment dans le cadre de montages contractuels par lesquels une collectivité met un terrain à la disposition d’un opérateur, via un contrat translatif de droits réels de droit privé (bail à construction, bail emphytéotique), pour qu’il réalise un équipement affecté au service public : de tels montages posent de grandes difficultés juridiques puisqu’à la date où ils sont signés, le bien en cause devrait appartenir au domaine public en application de la « théorie » de la domanialité publique virtuelle. Or, on sait que le principe d’inaliénabilité du domaine public interdit la conclusion de ces contrats de droit privé.