le 14/02/2018

De la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité en vue de la révision d’un bail commercial : une nouvelle approche de la Cour d’appel de Douai

CA Douai, 6 juill. 2017, n° 16/03433

La SCI Olympos qui avait donné à bail à la société devenue Foncia Nord Pas de Calais un local à usage commercial pour une durée de neuf ans jusqu’au 14 novembre 2018 a, le 3 janvier 2013, souhaité obtenir la révision triennale du loyer à la valeur locative sur le fondement des articles L. 145-37 et L. 145-38 du Code de commerce, mais la société bailleresse s’est vue opposer un refus de la part du preneur ; qui considérait que la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité permettant d’échapper à la fixation indiciaire n’était pas établie.

Saisi du différend, le juge des loyers a, par un jugement du 23 mai 2016, débouté la SCI Olympos de sa demande, en estimant que la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité sur le commerce considéré n’était effectivement pas clairement établie.

La SCI Olympos a interjeté appel de ce jugement mais la Cour d’appel de Douai l’a confirmé par le présent arrêt commenté du 6 juillet 2017 (Ca Douai, ch. 2 sect. 1, n° 16/03433) en précisant : 

« Il résulte de l’articulation [des articles L. 145-38 et R. 145-6 du Code de commerce] qu’un déplafonnement du loyer commercial n’est possible lors de la révision triennale que si le bailleur établit d’une part la survenance durant les trois années suivant la date d’entrée en jouissance du locataire d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité présentant un intérêt pour l’activité commerciale exercée dans les locaux loués, lequel est apprécié concrètement et objectivement, et d’autre part que cette modification des facteurs locaux de commercialité a entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative ».

Jusqu’à présent, pour prétendre à un déplafonnement du loyer commercial lors de la révision triennale, le bailleur s’évertuait entre autres à démontrer la survenance d’une modification des facteurs locaux de commercialité et à en établir la matérialité. Or la preuve de la matérialité de la modification est d’autant moins évidente qu’elle a pu, faute de définition légale, donner lieu à plusieurs interprétations sans qu’aucune des définitions proposées n’ait définitivement retenue l’attention du juge.      En l’espèce, la Cour d’appel de Douai mettant en rapport les articles L. 145-38 et R. 145-6 du Code de commerce exige, outre le critère matériel de la modification survenue, que celle-ci présente un intérêt concret et objectif pour l’activité commerciale concernée.  

Ainsi, pour décider que les modifications survenues (conversion d’une friche commerciale avec l’installation de deux nouvelles enseignes : un supermarché et un commence de vélos) ne présentaient aucun intérêt pour l’activité commerciale exercée dans les locaux loués, la Cour d’appel a indiqué :

– que ces modifications avaient une influence limitée sur l’attractivité commerciale de l’activité exercée effectivement par le preneur, soit en l’espèce une agence immobilière ;

– que cette influence n’avait pas un caractère spécifique ;

– et qu’enfin, il n’y avait pas de lien direct entre les modifications alléguées et le chiffre d’affaires de l’entreprise.

Partant, l’intérêt de la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité pour l’activité commerciale semble être caractérisée, selon la Cour d’appel, à la fois par la nécessité d’une influence significative et spécifique de la modification alléguée sur cette même activité et par l’exigence d’un lien direct entre cette modification et le chiffre d’affaires de l’entreprise.

L’application ainsi faite par la Cour d’appel de Douai des dispositions précitées du Code de Commerce met à la charge du bailleur des exigences factuelles supplémentaires pour prétendre au déplafonnement de loyer lors de la révision triennale. Se faisant, cet arrêt renforce la protection du preneur à bail commercial. La question de sa portée reste cependant à apprécier.