le 25/03/2020

Covid-19 et chantiers en cours : l’impossible équation

Lorsque le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé les premières mesures de confinement les 12 et 16 mars derniers, les réactions des entreprises de travaux publics ont été diverses. Pour l’essentiel, elles ont considéré que les mesures de confinement impliquaient l’arrêt des travaux. Certaines, cependant, ont décidé de maintenir et d’adapter leur activité.  

Et cette situation a également été gérée de façon diverse par les personnes publiques, qu’elles soient maitre d’ouvrage, dans le cadre de marchés publics, ou autorité délégantes, dans le cadre de conventions de délégation de service public. Certaines personnes publiques ont fait le choix de prononcer un ajournement des travaux sur le fondement de l’article 49.1 du Cahier des Clauses Administratives Générales relatif aux marchés de travaux (ci-après dénommé « CCAG »). D’autres ont décidé de reporter les délais d’exécution de leurs marchés. D’autres encore restent dans l’attente d’une position claire des entreprises de travaux.  

Or, dans les jours qui ont suivi, plusieurs déclarations gouvernementales ont laissé à penser qu’en dépit de l’épidémie, les entreprises de travaux publics devaient maintenir l’exécution des chantiers. Ces déclarations ont entrainé incompréhensions et tensions de la part des entreprises de travaux publics.  

Une première source d’apaisement est venue d’un communiqué de presse, disponible ici, conjoint des entreprises de travaux publics et du gouvernement publié le 21 mars dernier et dressant la feuille de route pour la reprise des chantiers.  

Pour les personnes publiques, les éléments suivants méritent particulièrement d’être relevés :  

  • Avant toutes choses, le Gouvernement affiche son souhait que la continuité de l’activité du secteur et la poursuite des chantiers soient assurés ; 
  • Pour ce faire, les organisations professionnelles des entreprises du bâtiment et des travaux publics se sont engagées à diffuser un guide de bonnes pratiques, préalablement validé par les Ministères du Travail, des Solidarités et de la Santé ; 
  • S’agissant des travaux publics, comme par exemple les infrastructures de transport ou les travaux de voirie, les grands maîtres d’ouvrage publics au niveau national et les préfets au niveau local coordonneront et prioriseront les chantiers à poursuivre ou à relancer ; 
  • Des mesures particulières seront prises pour les travaux devant être réalisés chez des particuliers en leur présence (on pense notamment aux travaux de raccordement aux réseaux de communications électroniques ou aux travaux d’installation des compteurs Gazpar ou Linky, par exemple). 

A la date de la publication de la présente lettre d’actualité, ce guide des bonnes pratiques n’est pas encore publié. Les entreprises de travaux publics continuent de maintenir les chantiers à l’arrêt et les organisations d’architectes souhaitent également être associées aux négociations sur ce guide. Bref, la tension reste élevée entre les différents intervenants.  

Dans ce contexte trouble, et quelle que soit la façon dont la situation a été gérée dans les premiers jours, il est important que les personnes publiques ne constituent pas la variable d’ajustement de ces tensions. Et pour ce faire, elles devraient conserver trois caps dans la gestion de cette crise : 

  • Il est important qu’elles soient informées des décisions prises par les entreprises de travaux publics et, le cas échéant, qu’elles empêchent les situations dont elles auraient connaissance et qui généreraient manifestement un risque pour la santé des travailleurs. Car c’est à l’entreprise au premier chef qu’il appartient de définir les règles permettant d’assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs et les personnes publiques ne doivent pas se trouver en situation de s’y substituer ;  
  • Si l’entreprise décide de maintenir ou de reprendre son activité, elle devra le faire dans le respect du guide des bonnes pratiques et sous le contrôle du coordonnateur Sécurité et Protection de la Santé sur le chantier ;  
  • L’heure n’est manifestement pas à l’application de pénalités du fait de retard trouvant leur cause dans la gestion de cette crise. Mais les personnes publiques doivent dès maintenant disposer de tous les éléments permettant d’appréhender la gestion de cette période par les entreprises de travaux. Ainsi, lorsque cette crise sera derrière nous, les personnes publiques seront plus facilement en mesure d’appréhender les retards trouvant effectivement leur cause dans la gestion du Covid-19 et ceux qui sont imputables aux manquements des entreprises. 

Et bien entendu, tout cela dépendra des termes des ordonnances à venir, notamment de l’ordonnance modifiant le code de la commande publique.

 

Par Marion Terraux