le 17/06/2020

Contestation de la validité d’un contrat administratif : précisions sur la recevabilité des recours intentés par des tiers en charge de la défense d’intérêts collectifs

CE, 3 juin 2020, Département de la Loire-Atlantique, n° 426932

Par sa décision Département de Tarn-et-Garonne du 4 avril 2014 (req. n° 358994), le Conseil d’État avait élargi le recours direct contre les contrats administratifs à tous les tiers susceptibles d’être lésés, dans leurs intérêts, par sa passation ou ses clauses.

Récemment, le Conseil d’Etat avait, par une importante décision du 27 mars 2020 publiée au recueil Lebon, reconnu la recevabilité d’un tel recours introduit par les contribuables locaux, dès lors que ceux-ci établissent « que la convention ou les clauses dont ils contestent la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité » (voir la décision CE, 27 mars 2020, req. n° 426291, que nous avons commentée).

Cette décision semblait consacrer une acception large de la notion de « tiers susceptible d’être lésé » au sens de la décision Tarn-et-Garonne.

Toutefois, par sa décision du 3 juin 2020, qui sera mentionnée dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat vient quelque peu temporiser cette tendance, en refusant de reconnaitre la recevabilité d’un recours contre un marché de conception-réalisation introduit par un conseil régional de l’ordre des architectes au nom de la défense des intérêts professionnels dont il avait la charge.

Cette décision intervient dans le cadre d’un litige relatif à la passation d’un marché de conception-réalisation en vue de la construction d’un collège par le Département de la Loire-Atlantique en 2014. Le Conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire a contesté la régularité de ce marché devant le Tribunal administratif qui, par jugement du 23 mars 2017, a rejeté sa requête. Saisie par le Conseil régional de l’ordre des architectes, la Cour administrative d’appel a, par un arrêt du 9 novembre 2018, annulé ce jugement ainsi que le marché litigieux.

Saisi d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt par le Département de la Loire-Atlantique, le Conseil d’Etat rappelle, par sa décision du 3 juin 2020, qu’un tiers à un contrat administratif « n’est recevable à contester la validité d’un contrat […] que s’il est susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou par ses clauses ».

En l’espèce, il considère que si les conseils régionaux de l’ordre des architectes ont, en vertu des dispositions de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, qualité pour agir en justice en vue notamment d’assurer le respect de l’obligation de recourir à un architecte, la seule passation, par une collectivité territoriale, d’un marché public confiant à un opérateur économique déterminé une mission portant à la fois sur l’établissement d’études et l’exécution de travaux ne peut être regardée comme susceptible de léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs dont ils ont la charge.

Par suite, le Conseil d’Etat conclut que le Conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire n’était pas recevable à former un recours Tarn-et-Garonne contre le marché de conception-réalisation litigieux et annule donc l’arrêt de la Cour administrative d’appel.