le 07/12/2017

Le Conseil d’Etat devra statuer sur l’application du régime d’autorisation environnementale

CAA Douai, 16 novembre 2017, n° 15DA01535

Par un arrêt n°15DA01535 rendu le 16 novembre 2017, la Cour administrative d’appel de Douai a transmis quatre questions au Conseil d’Etat sur l’application du régime résultant de la réforme relative à l’autorisation environnementale en application de l’ordonnance du 26 janvier 2017.

La Cour administrative d’appel de Douai a été saisie d’une requête en annulation d’un jugement du Tribunal administratif d’Amiens, lequel avait rejeté le recours formé contre l’arrêté du 1er février 2013 par lequel le préfet de la Somme a accordé à la société civile d’exploitation agricole (SCEA) Côte de la Justice l’autorisation d’exploiter un élevage bovin de 500 vaches laitières (exploitation de la ferme dite « des 1000 vaches »).

Aux termes de l’article R. 512-3 du Code de l’environnement dans sa version applicable au litige, le dossier de demande d’autorisation pour les installations classées pour la protection de l’environnement, soumis par l’exploitant à l’autorité administrative compétente, doit notamment contenir « les capacités techniques et financières de l’exploitant […] ».  C’est sur le fondement de ces dispositions, que la Cour reconnaît l’existence d’une irrégularité dans la procédure d’adoption de l’arrêté querellé en constatant le caractère incomplet des informations émises par l’exploitant relatives à sur ses capacités financières. Elle considère en effet que cela a entraîné un défaut d’information du public sur les capacités financières de l’exploitant et donc un vice de procédure.

Cependant, avant de tirer les conséquences de cette irrégularité, la Cour a renvoyé au Conseil d’Etat une demande d’avis. Les questions posées au Conseil d’Etat portent alors sur la mise en œuvre de dispositions nouvelles, issues de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, qui soulèvent, selon la Cour, des questions d’interprétation délicates. En effet, dans la mesure où la Cour ne retient, parmi les moyens soulevés, que le vice de procédure, précité, comme étant susceptible de provoquer l’annulation de la décision, elle s’interroge sur la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement, issue de l’ordonnance du 26 janvier 2017, qui l’autorise à régulariser un vice qui affecte une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale dans certaines hypothèses.

Plus précisément, la Cour se fonde, en premier  lieu, sur l’article L. 181-18 du Code de l’environnement et sur l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale pour admettre que les autorisations délivrées au titre du régime des installations classées avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance qui sont considérées comme des autorisations environnementales sont soumises au régime de l’autorisation environnementale. Ainsi, la Cour retient que ces dispositions sont applicables en l’espèce et que l’autorité administrative doit alors se prononcer sur la demande de régularisation de l’autorisation environnementale en vertu des nouvelles dispositions applicables.

En second lieu, la Cour invoque les dispositions du I de l’article D. 181-15-2 du Code de l’environnement issues du décret du 24 avril 2017 qui prévoient que dans le cadre d’une demande d’autorisation environnementale concernant une installation classée soumise à autorisation, le dossier de demande est complété par :  « Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l’article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d’autorisation, les modalités prévues pour les établir. Dans ce dernier cas, l’exploitant adresse au préfet les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l’installation ».

Ainsi, la Cour administrative d’appel saisit le Conseil d’Etat sur l’interprétation de ces nouvelles dispositions qui sont susceptibles d’être mises en œuvre dans la présente affaire. La Cour transmet donc quatre questions au Conseil d’Etat :

« 1°) La combinaison des dispositions du 1° et du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement permet-elle à la juridiction administrative d’ordonner le sursis à statuer en vue d’une régularisation lorsque le vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation ou ces dispositions sont-elles exclusives l’une de l’autre ?

2°) Les dispositions du II de l’article L. 181-18 du code de l’environnement concernant les cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant « une partie seulement de l’autorisation environnementale » sont-elles applicables lorsque le juge met en œuvre les dispositions du 1° en limitant la portée de l’annulation qu’il prononce à la « phase de l’instruction » viciée ? Dans le cas où ces dispositions ne seraient pas applicables dans un tel cas, peut-on faire application de la règle posée par la décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, du 15 mai 2013 ARF n° 353010 concernant l’office du juge lorsqu’il annule une autorisation relative à l’exploitation d’une installation classée ?

3°) Dans l’hypothèse où la juridiction administrative se plaçant sur le terrain du 1° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, prononce une annulation limitée à une phase de l’instruction de la demande et enjoint à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase de l’instruction ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité, cette autorité administrative doit-elle nécessairement prendre une nouvelle décision à l’issue de cette procédure ? La juridiction peut-elle le lui ordonner ?

4°) Lorsque la mise en service de l’installation a eu lieu à la date à laquelle la juridiction administrative statue, y a-t-il encore lieu, au regard notamment des dispositions du 3° du I de l’article D. 181-15-2 du code de l’environnement, d’exiger la régularisation de cette phase de l’instruction alors que l’autorité administrative compétente est réputée avoir reçu, au plus tard à la date de cette mise en service, les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières qui auraient pu manquer initialement au dossier ? Si une telle régularisation doit continuer à être exigée, y a-t-il lieu d’ordonner une nouvelle enquête publique si le défaut d’information se situait à ce stade de la phase d’instruction ? »

Le Conseil d’Etat rendra en principe son avis dans un délai maximum de trois mois.