le 15/03/2017

Conditions d’octroi de compensations financières dans le cadre d’une concession de service public

TUE, 1 mars 2017, France c. Commission, aff. T-366/13

Dans un jugement en date du 1er mars 2017, le Tribunal de l’Union Européenne (ci-après le « Tribunal ») rappelle les conditions pour qu’une compensation de service public puisse échapper à la qualification d’aides d’État et confirme une décision de la Commission Européenne condamnant la France à récupérer une aide de deux cent vingt (220) millions d’euros accordé à la société nationale Corse-Méditerranée (ci-après la « SNCM »).

La collectivité territoriale de Corse (ci-après la « CTC ») avait conclu une délégation de service public avec la SNCM pour assurer un service de transport entre la Corse et la France continentale afin de garantir la continuité territoriale. Le cahier des charges de la délégation prévoyait deux grands services, un service de transport dit « de base » consistant à fournir des transports tout au long de l’année et un service dit « complémentaire » consistant à fournir des services de transport durant les périodes de pointe de trafic. Par une décision en date du 2 mai 2013, la Commission Européenne avait qualifié d’aides d’Etat les compensations financières versées à la SNCM par la CTC au titre des services de transport maritime fournis entre Marseille et la Corse pour les années 2007 à 2013 dans le cadre du service complémentaire. La France avait décidé d’attaquer cette décision et le litige a fait l’objet du présent jugement.

Le Tribunal rappelle tout d’abord que, pour qu’une compensation de service public puisse échapper à la qualification d’aides d’État, quatre critères doivent être cumulativement satisfaits (CJUE, 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, aff. C-280/00). Elle insiste notamment respectivement sur le premier et quatrième critère de la jurisprudence précitée à savoir que l’entreprise bénéficiaire doit (i) être effectivement chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies et, (ii) être choisie dans le cadre d’une procédure permettant de sélectionner le candidat capable de fournir les services en cause au moindre coût pour la collectivité.

Le Tribunal rappelle que, pour qu’une entreprise de cabotage maritime puisse être chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général et, partant, d’obligations de service public, il faut, d’une part, que le service en cause réponde à un besoin réel de service public, démontré par l’insuffisance des services réguliers de transport dans une situation de libre concurrence, et, d’autre part, que le périmètre de ce service soit nécessaire et proportionné à ce besoin. Or, en l’espèce, le Tribunal juge que la Commission était parvenue à établir que « le service complémentaire ne répondait clairement pas à un besoin réel de service public, [et qu’] il n’était même pas indispensable à la réalisation de l’objectif théorique de continuité territoriale qui lui avait été assigné par les autorités françaises » (1). Il résultait donc de ce premier constat que les compensations financières attribuées dans le cadre du service complémentaire constituaient des aides d’Etat illégalement attribuées.

En outre, le Tribunal a également jugé que le quatrième critère exigé par la jurisprudence Altmark n’était rempli pour aucun des services. Le Tribunal a jugé « qu’il ressort d’un faisceau d’indices convergents que la procédure d’appel d’offres suivie en l’espèce n’a manifestement pas entraîné une concurrence réelle et ouverte suffisante, permettant de sélectionner le candidat capable de fournir les services de transport maritime en cause au moindre coût pour la collectivité » (2). Le Tribunal approuvait donc le raisonnement de la Commission Européenne au terme duquel elle avait estimé que le « quatrième des critères Altmark n’était pas rempli s’agissant du service de base et du service complémentaire » (3).

Les compensations financières octroyées à la SNCM ne répondant pas aux critères de la jurisprudence Altmark, le Tribunal a approuvé la décision de la Commission Européenne les qualifiant d’aides d’Etat illégales et condamnant la France à récupérer l’aide de deux cent vingt (220) millions d’euros accordée à la SNCM au titre de certains services de transport maritime assurés entre Marseille et la Corse.

(1) TUE, 1 mars 2017, France c. Commission, aff. T-366/13, §124
(2) Ibid., §180
(3) Ibid., §196.