le 15/03/2017

Conditions de conclusion d’une concession de services, à titre provisoire, sans procédure de publicité et de mise en concurrence

CE, 14 février 2017, Société Sea Invest Bordeaux, n° 405157

Dans une décision en date du 14 février 2017, le Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles un acheteur était en droit de conclure une concession de services, à titre provisoire, sans procéder à des mesures de publicité et de mise en concurrence et revient également partiellement sur sa jurisprudence antérieure en la matière.

Le Grand Port Maritime de Bordeaux (ci-après le « GPMB ») avait conclu, le 19 décembre 2014, une convention de terminal avec la société Europorte pour lui confier l’exploitation d’un terminal. A la suite à de nombreuses difficultés rencontrées par la société Euorporte et à l’échec de la médiation organisée par le Ministre chargé des transports, la convention n’avait pas pu recevoir d’exécution. Le GPMB a donc décidé de conclure, le 21 septembre 2016, une « convention de mise en régie de la convention d’exploitation du terminal du Verdon (ci-après la « Convention de mise en régie ») avec la société de manutention portuaire d’Aquitaine (ci-après la « SMPA »), sous-traitante de la société Europorte. La convention précitée ayant été conclue de gré à gré, la société Sea Invest Bordeaux avait saisi le Juge des référés du Tribunal administratif de Bordeaux d’un référé contractuel à l’encontre de cette dernière. A la suite de l’annulation de la convention par une ordonnance du 4 novembre 2016, la SMPA et le GPMB se sont pourvus en cassation contre cette ordonnance.

Le Conseil d’Etat commence par relever que la convention de terminal conclue le 19 décembre 2014 entre le GPMB et la société Europorte était qualifiable de concession de services au sens et pour l’application de l’article 5 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. Il poursuit son raisonnement en jugeant que la Convention de mise en régie conclue le 21 septembre 2016 ayant pour objet de confier à la SMPA l’intégralité des droits et obligations issus de la convention de terminal était également qualifiable de concession de services. Le Conseil d’Etat conclut que la Convention de mise en régie était donc au nombre des contrats relevant de la compétence du Juge des référés contractuels.

En réponse au moyen soulevé par la société Sea Invest Bordeaux selon lequel le GPMB n’avait pas procédé aux mesures de publicité et de mise en concurrence pour conclure la Convention de mise en régie, le Conseil d’Etat juge dans un considérant de principe qu’en « cas d’urgence résultant de l’impossibilité dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service, conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de concession de services sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites ; que la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la personne publique entend poursuivre l’exécution de la concession de services ou, au cas contraire, lorsqu’elle a la faculté de le faire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que le GPMB a été placé dans une situation urgente résultant de la défaillance de son cocontractant et de l’échec de la médiation. Il constate également que le GPMB justifiait d’un motif d’intérêt général pour conclure la Convention de mise en régie dès lors que l’absence d’exploitation du terminal portait atteinte à la continuité du service public de l’exploitation du port. Enfin, le Conseil d’Etat souligne que la convention était conclue pour une durée limitée de dix-huit (18) mois. Dans les circonstances de l’espèce, le Conseil d’Etat décide donc que le GPMB n’était pas tenu de procéder à des mesures de publicité pour la passation de la Convention de mise en régie.

Il annule donc l’ordonnance du 4 novembre 2016 du Juge des référés du Tribunal administratif de Bordeaux et rejette les conclusions de la société Sea Invest Bordeaux.

Par cette décision, le Conseil d’Etat opère un revirement partiel de sa jurisprudence du 4 avril 2016 (CE, 4 avril 2016, Communauté d’agglomération du centre de la Martinique, n° 396191) en supprimant la condition tenant au caractère soudain de l’impossibilité de continuer à faire assurer le service public pour attribuer une concession de services en franchise de publicité et de mise en concurrence. Les conditions pour déroger aux principes fondamentaux du droit de la commande publique demeurent strictes et encadrées mais le Conseil d’Etat opère, par cette décision, un assouplissement salutaire pour les acheteurs, l’impossibilité de faire assurer un service n’étant pas nécessairement soudaine comme en l’espèce.