le 18/10/2018

Compétence pour la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

CE, 9 juillet 2018, Département du Val-d’Oise et autres, n° 407426

Par un arrêt en date du 9 juillet 2018, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité du décret n° 2016-1814 du 21 décembre 2016 qui précise notamment le mode de calcul du forfait relatif à la dépendance dont le département d’implantation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes à la charge.

Plusieurs départements ont en effet déposé un recours pour excès de pouvoir contre ledit décret.  

Ils contestaient les dispositions de l’article 2 du décret modifiant notamment les articles R. 314-172 à R. 314-75 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) qui détaillent les modalités de calcul du forfait global relatif à la dépendance.

L’article L. 314-2 du CASF prévoit qu’il revient au président du conseil départemental de fixer par arrêté le forfait global relatif à la dépendance des établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) prenant en compte le niveau de dépendance moyen des résidents dans des conditions précisées par décret en Conseil d’Etat.

Les nouveaux articles R. 314-73 et R. 314-75 du CASF précisent que le forfait global relatif à la dépendance est déterminé en fonction du niveau de perte d’autonomie moyen des personnes hébergées, apprécié en nombre de « points GIR » (groupes iso-ressources), et de la valeur du « point GIR » départemental, lui fixé annuellement par le président du conseil départemental. Attention, la valeur du « point GIR » est fixée à un niveau au moins égal à la valeur arrêtée l’année précédente. Le président du conseil départemental peut cependant librement fixer une valeur supérieure à la valeur du point GIR départemental.

Ainsi, le président du conseil départemental a le pouvoir de fixer la valeur du « point GIR » départemental, valeur qui est pris en compte pour déterminer le forfait global dépendance qu’il verse aux EHPAD et aux petites unités de vie.

A l’appui de leur recours, les requérants soutenaient que ces dispositions portent atteinte à divers principes ou règles relevant de la loi notamment le principe de la libre administration des collectivités territoriales et le principe d’égalité.

Le Conseil d’Etat adopte une ligne argumentative unique pour rejeter l’ensemble des moyens invoqués et précise, concernant le régime financier et la tarification des établissements et services de l’action sociale, la répartition des compétences entre la loi et le règlement.

La Haute juridiction rappelle tout d’abord, conformément à sa jurisprudence Association Faste sud Aveyron[1], qu’il appartient bien qu’à la loi, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de fixer tant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques que les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de la sécurité sociale et de l’aide sociale.

Par conséquent, le principe de l’encadrement du régime financier et de la tarification des personnes morales de droit privé gérant des établissements et services intervenant dans le champ de l’action sociale relève de la compétence législative.

Le Conseil d’Etat précise qu’« il revient au législateur de définir, avec une précision suffisante quant à leur objet et à leur portée, les catégories de dépenses qui revêtent pour une collectivité territoriale un caractère obligatoire, notamment certains des frais exposés par les personnes accueillies dans des établissements et services relevant du champ de l’action sociale, qu’ils soient gérés par des personnes morales de droit privé ou de droit public ».

Cependant, elle considère qu’il appartient au pouvoir règlementaire de mettre en œuvre les règles posées par le législateur, notamment en précisant les éléments et les modalités de calcul des dépenses considérées. La fixation du « point GIR » départemental par le président du conseil départemental est un élément du calcul des dépenses. Lorsque le président détermine ce « point GIR », le Conseil d’Etat considère qu’il ne fait que mettre en œuvre les règles posées par le législateur à l’article L. 314-2 du CASF notamment la règle selon laquelle le département verse aux établissements, au titre de l’APA, un forfait global relatif à la dépendance, dont il fixe le montant et qui prend en compte le niveau de dépendance moyen des résidents.

Cette mise en œuvre des règles posées par le législateur par le pouvoir règlementaire permet au Conseil d’Etat de conclure à la légalité du décret n° 2016-1814 du 21 décembre 2016.

 

Par ailleurs, les départements requérants contestaient la modulation du forfait global relatif à la dépendance en fonction de l’activité réalisée.

Une des nouveautés du décret est en effet de prévoir qu’à compter de l’exercice 2018, le forfait global dépendance des EHPAD puisse être modulé au regard du taux d’occupation de l’établissement. Comme cela a été évoqué ci-avant, l’équation tarifaire permettant de déterminer le forfait global relatif à la dépendance est modulée en fonction de l’activité réalisée au regard de la capacité de places autorisées et financées d’hébergement permanent de l’établissement.

L’article 5, II du décret du 21 décembre 2016 prévoit que le forfait global relatif à la dépendance ne fait pas l’objet d’une modulation en fonction de l’activité pour l’exercice 2017. La nouvelle rédaction de l’article R. 314-174 du CASF quant à elle issue de l’article 2 du même décret prévoit pour les exercices suivants que le forfait est minoré à la condition que le taux d‘occupation de l’établissement est inférieur à un seuil fixé par arrêté interministériel et que le pourcentage de minoration est égal à la moitié de la différence entre ce seuil et le taux d’occupation constaté.

De la même manière, le Conseil d’Etat considère qu’en prévoyant ces modalités de calcul, le pouvoir règlementaire n’a fait que mettre en œuvre, sans les dénaturer, les principes fixés par la loi. 

[1] CE, 21 novembre 2008, n° 293960