le 13/09/2017

Une commune n’a pas à supporter l’intégralité des coûts de raccordement au réseau de distribution d’électricité de toutes les constructions situées sur son territoire

CAA Nantes, 12 juillet 2017, M. et Mme B. c/ Syndicat de l'énergie de l'Orne, req. n° 15NT03835

Dans une décision du 12 juillet 2017, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé qu’aucun principe d’une quelconque nature n’imposait qu’une commune assume à ses frais le raccordement au réseau d’électricité public de toutes les constructions situées sur son territoire.

La Cour administrative d’appel de Nantes était saisie de l’appel formé contre un jugement rendu par le Tribunal administratif de Caen rejetant comme étant portée devant une juridiction incompétente la demande, présentée par les époux B., tendant à obtenir la condamnation du syndicat de l’énergie de l’Orne, à établir à ses frais le raccordement au réseau public de distribution de l’électricité de leur maison à usage d’habitation sise au lieu-dit la Saussaye dans la commune de Saint-Sauveur-de-Carrouges, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

S’agissant de la compétence de la juridiction administrative, la Cour commence par rappeler que si, conformément à une jurisprudence bien établie, les litiges opposant l’usager d’un service public industriel et commercial, tel que celui de la distribution d’électricité, et son gestionnaire portent sur des rapports juridiques de droit privé et relèvent donc de la compétence juridictionnelle du juge judiciaire ; il en va autrement « lorsque l’usager demande réparation d’un dommage qui est étranger à la fourniture de la prestation et provient du fonctionnement d’un ouvrage ne constituant pas un raccordement particulier au réseau public », le litige relevant alors de la compétence du juge administratif.

Au cas présent, la Cour considère que les travaux rendus nécessaires par la demande de raccordement au réseau présentée par les époux B, « nécessitent une extension de la capacité du réseau public existant à la date de leur demande » et en déduit donc que « dans ces conditions, le litige opposant M. et Mme B…au syndicat mixte Territoire d’énergie Orne n’est pas relatif au fonctionnement d’un service public de nature industrielle et commerciale mais s’apparente à une opération de travaux publics, et plus particulièrement à son financement, relevant de la compétence de la juridiction administrative ». 

S’agissant du fond du litige, les faits de l’espèce étaient les suivants : les requérants s’étaient vu refuser un permis de construire en vue de l’édification d’une exploitation agricole en raison de l’absence de desserte de leur terrain par le réseau de distribution d’électricité. Or, ledit terrain était initialement relié au réseau mais, du fait de l’absence d’habitation des installations pendant plusieurs années, la ligne électrique et les éléments permettant la desserte dudit terrain avaient été retirés et mis hors service.

Les requérants avaient alors saisi ENEDIS (ERDF, à l’époque), le Syndicat de l’énergie de l’Orne (en sa qualité d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité) et la commune sur le territoire de laquelle se situe le terrain et ce, afin d’obtenir le rétablissement du réseau. A la suite du refus qui leur a été opposé, les époux ont engagé la responsabilité du Syndicat en invoquant une faute constituée, d’après eux, par le fait d’avoir supprimé ou laissé supprimer le réseau.

A cet égard, la Cour relève qu’au jour où la demande de rétablissement du réseau a été présentée par les époux, la commune n’avait pas encore transféré sa compétence en matière de distribution publique d’électricité au Syndicat d’énergie de l’Orne. En conséquence, seule la responsabilité de la commune était susceptible d’être engagée à cette date.

Puis, au fond, la Cour énonce « qu’aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n’imposent qu’une commune doive assumer à ses frais le raccordement au réseau d’électricité public de toutes les constructions situées sur son territoire ». Or, au cas présent, « compte tenu du caractère isolé de la construction de M. et Mme B…et de son éloignement suffisamment important des autres constructions raccordées au réseau d’électricité, l’extension sollicitée doit être regardée comme consistant en un service rendu aux intéressés conformément à leur demande », par conséquent « la participation financière qui leur a été réclamée pour la réalisation de l’extension du réseau public d’électricité sur environ 500 mètres afin d’assurer la desserte de leur propriété doit être regardée comme une charge leur incombant normalement ».

Cette décision nous surprend dès lors qu’elle ne s’appuie sur aucun fondement inscrit dans le Code de l’énergie s’agissant des règles relatives au renforcement, à l’extension et au raccordement au réseau public de distribution d’électricité. Et on peut se demander si la solution aurait été alors la même. Mais, peut être était ce l’approche des parties dans la défense de leurs intérêts dans cette affaire.