le 12/04/2018

Clause Molière : la Cour administrative d’appel de Paris suspend l’exécution d’un marché public de services contenant une clause intitulée  » Langue et rédaction de propositions et d’exécution des prestations « 

CAA de Paris, 13 mars 2018, Préfet de la région d'Ile-de-France, n° 17PA03641-17PA03657

Par un arrêt en date du 13 mars 2018, la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris a annulé l’ordonnance n° 1715915/9 du juge des référés du tribunal administratif (TA) de Paris du 15 novembre 2017.

Par une délibération du 22 juin 2016, le conseil d’administration du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) a décidé de créer une société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) pour l’exploitation de l’usine d’épuration de Seine-Amont et de lancer une procédure d’appel d’offres pour sélectionner l’actionnaire opérateur économique de cette société. Le marché a été attribué, par délibération du 6 juillet 2017, à la société Véolia Eau – Compagnie générale des eaux pour un montant de 397.253.586 euros HT sur une période de douze ans. Le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris, a saisi le TA de Paris d’un déféré tendant à l’annulation de ce contrat, ainsi que le juge des référés de ce tribunal d’une demande tendant à sa suspension. La société Suez Services France, candidate évincée, a également fait une demande d’intervention à l’appui de cette requête.

Par une ordonnance du 15 novembre 2017, le juge des référés a rejeté l’intervention de la société Suez Services France et suspendu l’exécution du contrat à compter du 1er décembre 2017 si à cette date la signature n’avait pas été régularisée par la SEMOP. Il a par ailleurs estimé qu’aucun des autres vices invoqués par le préfet n’apparaissait de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute quant à la validité du contrat objet du litige en question.

Saisie par le préfet et la société Suez Services France, la CAA de Paris, par cet arrêt du 13 mars 2018, annule cette ordonnance.

Outre le fait qu’elle admet l’intervention de la société Suez Services France, la Cour considère, contrairement au juge des référés du TA de Paris, que le moyen tiré de la contrariété des dispositions de l’article 8.5 du règlement de la consultation, intitulé « Langue et rédaction de propositions et d’exécution des prestations », selon lesquelles « La langue de travail pour les opérations préalables à l’attribution du marché et pour son exécution est le français exclusivement », avec les libertés fondamentales garanties par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, était de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la validité du contrat.

En outre, la Cour juge que la suspension de l’exécution de ce contrat ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive à l’intérêt général compte tenu des possibilités de prolongation de l’actuel contrat qui, selon elle, n’ont pas été « sérieusement contestées », ceci quand bien même la société Veolia Eau – Compagnie générale des eaux avait appelé à tenir compte d’une première prolongation de 10 mois.

S’inscrivant dans la jurisprudence récente sur les clauses dites « Molière » (v. nos brèves sur CE, 4 décembre 2017, Ministre de l’Intérieur c/ Région Pays de la Loire, req. n° 413366 ; TA, 13 décembre 2017, Préfet de Région Auvergne-Rhône-Alpes, req. n° 1707697), cette affaire se distingue en ce que les dispositions visant à imposer l’usage exclusif du français portent ici sur un marché public de services et non de travaux.