le 05/04/2018

Censure du recours au contrat de partenariat relatif à la rénovation de l’éclairage public et de la voirie en l’absence de complexité du projet et d’un bilan plus favorable

CAA Nantes, 16 mars 2018, Commune de Ouistreham, req. n° 16NT04075

Dans l’arrêt qui est ici commenté, la Cour administrative d’appel de Nantes était saisie, par la commune de Ouistreham, d’un appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Caen qui avait annulé la délibération du 9 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune avait approuvé le principe du recours à un contrat de partenariat public-privé en vue de l’aménagement et de la rénovation de la voirie et de l’éclairage public et avait autorisé le maire à engager la procédure de passation de ce contrat.

On rappellera synthétiquement que les anciennes dispositions des articles L. 1414-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT) ne permettaient de recourir au contrat de partenariat que dans trois hypothèses : au regard de la complexité du projet, au regard du caractère urgent du projet, ou encore au regard du bilan plus favorable présenté par le recours à ce type de contrat.

Dans cette affaire, la commune avait notamment justifié le recours au contrat de partenariat par la complexité du projet « en ce qu’il comporte des travaux de rénovation ou d’entretien de voiries, des travaux de rénovation, de maintenance et de modernisation de l’éclairage public, des travaux de modernisation du système de signalisation tricolore, devenu trop vétuste, ainsi que des travaux de réaménagement de l’avenue de la Mer, principale artère commerciale de la commune, et des travaux d’aménagements de ronds-points ».

La Cour, après avoir analysé l’ensemble des justifications apportées par la commune dans le cadre du rapport d’évaluation requis par le CGCT, considère toutefois que la condition de complexité n’est pas remplie dès lors :

  • « que cette énumération constitue un ensemble d’actions de conception, gestion et exécution de travaux de voirie et réseaux divers (VRD) dont la spécificité permettant de les soustraire au droit commun de la commande publique ne ressort pas des pièces du dossier et n’est pas justifiée par le rapport d’évaluation» ;
  • la Cour poursuit en relevant que «  la description des travaux relatifs à l’éclairage public, ne permet en rien de déterminer en quoi la commune ne pouvait elle-même définir ses besoins en la matière, alors surtout qu’elle disposait d’un diagnostic précis de son éclairage public réalisé quelques années auparavant » et enfin « s’agissant de la signalisation tricolore, le rapport d’évaluation se borne à constater que si le matériel est aux normes il présente une certaine vétusté, sans préciser en raison de quelle spécificité les travaux requis seraient d’une complexité telle que la commune ne pourrait elle-même définir ses besoins en vue de la passation de marchés publics ».

La Cour en déduit que le seul fait pour la commune d’invoquer « la complexité qui résulterait de la multiplicité des travaux et prestations envisagés et de leurs difficultés techniques ne saurait suffire à justifier le recours au contrat de partenariat, en l’absence de circonstances particulières de nature à établir qu’il lui était impossible de définir, seule et à l’avance, les moyens propres à satisfaire ses besoins ».

Par ailleurs, la commune avait également tenté de justifier le recours au contrat de partenariat sur la base de la notion de bilan plus favorable. Or, là encore, la Cour considère que « le rapport d’évaluation dont se prévaut la commune requérante justifie le recours au contrat de partenariat principalement par des développements généraux sur l’intérêt juridique et financier de ce contrat, sans justifier concrètement et précisément, au regard de la nature des travaux en cause et des besoins de la commune, en quoi le partenariat public privé présenterait, (…) un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable ». Ce motif ne peut donc davantage justifier le recours au contrat de partenariat.

Ce faisant, la Cour administrative d’appel de Nantes réaffirme l’exigence du juge dans l’appréciation des conditions nécessaires au recours au contrat de partenariat et la nécessité pour les personnes publiques d’apporter des justifications particulièrement précises et convaincantes.

On notera que la condition de complexité ne figure plus explicitement parmi les conditions devant être remplies pour permettre de recourir au marché de partenariat (voir dispositions de l’article 75 de l’Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics), l’acheteur devant désormais démontrer que le recours au marché de partenariat présente « un bilan plus favorable ». Pour autant, il y a tout lieu de penser que des considérations attachées à la complexité d’un projet demeureront utiles à la démonstration de l’efficience du marché de partenariat et que la portée de la décision ici commentée ne peut être limitée aux seuls contrats dont la procédure de passation avait été initiée avant le 1er avril 2016.