le 12/07/2016

Caractère administratif d’un contrat conclu entre deux personnes publiques portant sur la cession de biens relevant du domaine privé faisant apparaître un régime exorbitant de droit public

Tribunal des conflits, 6 juin 2016, Commune d’Aragnouet c/ Commune de Vignec, n° 4051

Le Tribunal des conflits, juridiction historiquement chargée de trancher les questions de compétences entre l’ordre juridictionnel administratif et l’ordre judiciaire, a été saisi par la Cour administrative d’appel de Bordeaux d’une « question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction » (décret n° 2015-233 du 27 février 2015, article 35).

En l’espèce, le litige portait sur la résiliation d’une convention conclue entre deux communes par laquelle l’une d’entre elles – la commune de Vignec – cédait à l’autre – la commune d’Aragnouet – des terrains appartenant à son domaine privé, dans le cadre de la création d’une station de sports d’hiver.

La commune venderesse demandait l’indemnisation du préjudice né de cette résiliation.

C’est dans ce cadre que le Tribunal des conflits a été saisi afin que soit tranchée la question de la compétence juridictionnelle relative à la nature d’un contrat conclu entre deux personnes publiques portant sur la cession de biens du domaine privé de l’une d’entre elles.

Il convient de rappeler que l’ensemble des biens appartenant à l’Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu’aux établissements publics sont insaisissables. Les biens relevant de leur domaine public bénéficient d’une protection renforcée puisqu’ils sont inaliénables et imprescriptibles.

En revanche, ces personnes gèrent librement les biens relevant de leur domaine privé (article L. 2221-1 du Code général de la propriété des personnes publiques).

Les actes conclus dans ce cadre donnent lieu à des rapports de droit privé dont le contentieux relève du Juge judiciaire (TC, 22 novembre 2010, SARL Brasserie du Théâtre c. Commune de Reims, n° 3764, Rec.  590), y compris lorsqu’ils concernent deux personnes publiques (TC, 15 novembre 1999, Commune de Bourisp, n° 3144), ce qui constitue d’ailleurs une exception au principe selon lequel un contrat conclu entre deux personnes publiques est en principe administratif (TC, 21 mars 1983, Union des assurances de Paris, Rec. 537).  

Ici, c’est bien l’analyse du contenu du contrat qui détermine la solution rendue par le Juge des conflits qui retient que :

« si le contrat portant cession par une commune de biens immobiliers faisant partie de son domaine privé est, en principe, un contrat de droit privé, y compris lorsque l’acheteur est une autre personne publique, l’existence dans le contrat d’une ou de plusieurs clauses impliquant dans l’intérêt général qu’il relève d’un régime exorbitant de droit public confère cependant à ce contrat un caractère administratif ».

En l’espèce, le contrat prévoyant divers avantages au profit de la commune cédante et de ses habitants, le Tribunal retient que la convention relève du régime exorbitant des contrats administratifs et, par suite, que le litige pendant doit être tranché par le Juge administratif.