le 08/11/2018

Biens de retour : précisions utiles sur les provisions pour renouvellement

CE, 18 oct 2018, Société Electricité de Tahiti c/ Polynésie française, req. n°420097

Dans un arrêt en date du 18 octobre 2018, le Conseil d’État a validé la loi du Pays qu’avait adoptée l’Assemblée de Polynésie française en mars dernier relative aux provisions pour renouvellement des immobilisations dans les délégations de service public[1].

Cette loi visait à préciser les modalités de constitution et d’utilisation de ces provisions par les délégataires de service public en Polynésie française. Elle prévoyait notamment que les provisions pour renouvellement constituent un « financement de l’autorité délégante » et que toutes les provisions non utilisées en fin de contrat doivent revenir à l’autorité délégante.

Estimant cette loi illégale, une société concessionnaire du service public de l’électricité en Polynésie (la société Electricité de Tahiti-Engie), avait alors engagé un recours à l’encontre de cette loi sur le fondement des dispositions de l’article 176 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française afin que le Conseil d’Etat se prononce sur la conformité de cette loi au  bloc de légalité défini au III de l’article 176 de la loi organique précitée.

Par sa décision ici commentée, le Conseil d’Etat valide la majeure partie des dispositions de la loi attaquée en posant le principe que toutes les sommes constituées par les délégataires de service public en vue du renouvellement de biens nécessaires au fonctionnement du service public doivent revenir à l’autorité concédante en fin de contrat.

Rappelant d’abord les principes généraux applicables aux biens de retour des délégations de service public dégagés par la décision de principe « Commune de Douai » (CE, Assemblée 21 décembre 2012, Commune de Douai, n° 342788), le Conseil d’Etat juge ensuite que « les sommes requises pour l’exécution de travaux de renouvellement des biens nécessaires au fonctionnement du service public qui ont seulement donné lieu, à l’expiration du contrat, à des provisions » font retour à la personne publique.

Le Conseil d’Etat précise en outre que les sommes qui auraient fait l’objet de provisions pour des montants excédant le besoin de renouvellement appartiennent également à la personne publique au motif que l’équilibre économique du contrat ne justifie pas que le concessionnaire les conserve  « […] Il en va de même des sommes qui auraient fait l’objet de provisions en vue de l’exécution des travaux de renouvellement pour des montants excédant ce que ceux-ci exigeaient, l’équilibre économique du contrat ne justifiant pas leur conservation par le concessionnaire […] ».

En définitive, le Conseil d’Etat juge que toutes les sommes constituant des provisions (y compris celles surestimées) appartiennent à la personne publique.

Le Conseil d’Etat censure toutefois les points II et III de l’article LP 6 qui prévoyaient que les provisions pour renouvellement devenues sans objet puissent abonder un fonds de travaux, sur un compte bancaire dédié.

Par suite, le Conseil d’Etat valide dans sa quasi-totalité les dispositions de la loi du Pays attaquée dès lors qu’elles « découlent du régime des concessions de service public » et ne méconnaissent ni les libertés contractuelle et d’entreprendre, ni le droit de propriété, ni le principe de libre administration des collectivités territoriales, ni les principes de la commande publique.

La loi du Pays ainsi validée a été promulguée le 30 octobre dernier[2] par le Président de la Polynésie française.

[1] Texte adopté n° 2018-16 LP/APF du 14 mars 2018 de la loi du pays relative aux provisions pour renouvellement des immobilisations dans les délégations de service public

[2] Loi du Pays n° 2018-34 du 30 octobre 2018 relative aux provisions pour renouvellement des immobilisations dans les délégations de service public.