le 19/03/2020

Appréciation de la condition d’urgence en matière d’intercommunalité

CE, 7 février 2020, Communauté de communes Coeur d'Ostrevent, n° 428919

Par un arrêt en date du 7 février 2020, le Conseil d’Etat apporte des précisions quant à l’appréciation de la condition d’urgence des référés suspension introduits en matière d’intercommunalité. 

Dans cette affaire, le préfet du Nord avait pris un arrêté préfectoral sur le fondement de l’article L. 5214-26 du Code général des collectivités territoriales relatif à la procédure de retrait dérogatoire, qui permet de ne pas solliciter l’accord de la communauté « quittée » ni des autres communes membres et avait ainsi autorisé le retrait d’une commune.  

La communauté de communes dont la commune était retirée en avait alors demandé la suspension au juge des référés du Tribunal administratif qui a rejeté cette demande et ladite Communauté s’était alors pourvue en cassation. 

Le Conseil d’Etat a rappelé en premier lieu les principes relatifs à l’appréciation de l’urgence en référé suspension en indiquant que «  L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier objectivement et concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant et de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue  ». 

Il juge ensuite que « si la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme étant, en principe, remplie lorsqu’un arrêté préfectoral a pour objet de modifier la répartition des compétences entre une collectivité territoriale et un groupement de collectivités territoriales ou entre deux groupements de collectivités territoriales, tel n’est pas le cas s’agissant de l’exécution d’un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l’article L. 5214-26 du code général des collectivités territoriales, autorisant une commune à se retirer d’une communauté de communes pour adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale, lequel emporte seulement modification du périmètre géographique de la communauté de communes ». 

Il en résulte que les arrêtés préfectoraux autorisant le retrait dérogatoire d’une commune membre d’un EPCI pour adhérer à une autre structure intercommunale ne bénéficient pas de la même présomption d’urgence que d’autres arrêtés analysés comme modifiant la répartition des compétences entre une collectivité territoriale et un EPCI ou entre deux EPCI (sur une modification statutaire portant modifications des compétences exercées CE, 30 décembre 2009, n°328184, mentionné aux Tables ; sur la création d’une communauté par fusion : CE 17 mars 2017, n° 404891, mentionné aux Tables). 

C’est donc par une appréciation concrète et souveraine du juge des référés au vu des justifications fournies par le requérant et de l’ensemble des circonstances de l’affaire que celui-ci examine la caractérisation d’une urgence justifiant sa saisine aux fins de le voir prononcer la suspension d’un tel acte administratif. 

En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que c’est à bon droit et par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que le juge des référés a jugé que la communauté de communes requérante ne justifiait pas d’une atteinte suffisamment grave et immédiate à ses intérêts caractérisant une urgence, notamment eu égard aux éléments financiers apportés.  

Plus précisément, il considère que le juge des référés a correctement apprécié la gravité de l’atteinte porté à la situation financière de la communauté de communes, dont la perte de ressources financières alléguée était de 1,5 million d’euros par an soit 7,89 % de ses recettes de fonctionnement, en tenant compte également de la diminution annuelle des charges d’environ 445 000 euros et de ce qu’un protocole d’accord destiné à compenser une partie des pertes induites par le retrait de la commune était en cours de discussion avec la communauté d’agglomération. Par ailleurs, il appartenait à la communauté de communes qui alléguait une privation des recettes issues de la vente future d’un lotissement de verser au dossier les éléments permettant d’évaluer l’ampleur du préjudice allégué pour apprécier la gravité de l’atteinte à sa situation.  

Faute de caractérisation de la condition d’urgence à prononcer une mesure de suspension à l’encontre de l’arrêté préfectoral autorisant le retrait d’une de ses communes membres, le pourvoi de la communauté de communes est donc rejeté.