le 27/08/2020

Appréciation de la condition d’urgence dans le cadre du référé suspension à l’encontre d’une décision de mutation

CE, 10 juillet 2020, n° 437259

Pour mémoire, par un arrêt Confédération nationale des radios libres, le Conseil d’Etat a jugé que la condition d’urgence subordonnant la suspension d’une mesure en référé était satisfaite lorsque « la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre » (CE, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, n° 228815).  

S’agissant des décisions de mutation d’agents, le Conseil d’Etat a posé une présomption d’absence d’urgence à statuer en référé en dehors de circonstances particulières. Il juge en effet par une jurisprudence constante qu’« en l’absence de circonstances particulières, la mutation, prononcée dans l’intérêt du service, d’un agent public d’un poste à un autre n’a pas de conséquences telles sur la situation ou les intérêts de cet agent qu’elle constitue une situation d’urgence » (CE, 28 juillet 2009, n° 329514 et plus récemment CE, 1er juillet 2019, n°427395).  

Cette présomption est fondée sur le principe de mutabilité du service public qui implique nécessairement que l’administration dispose de la possibilité de réaffecter les fonctionnaires selon les besoins et l’intérêt du service. 

Le Conseil d’Etat a en outre précisé que l’urgence pouvait être écartée y compris « lorsque, comme en l’espèce, la mesure prive l’intéressé de certaines primes ou indemnités liées à son ancien emploi » (CE, 12 septembre 2012, n° 361699).  

Le 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat a fait une application stricte de cette jurisprudence.  

En l’espèce, suite à la réorganisation des services, l’agent était affecté à un poste de conseiller technique. Pour justifier la condition d’urgence, le requérant se prévalait de plusieurs éléments notamment d’une perte de rémunération.  

Le juge a tout d’abord rejeté le caractère de sanction déguisée, le nouveau poste auquel l’agent était affecté correspondant à une activité réelle et conforme aux responsabilités susceptibles d’être confiées à un agent de son grade.  

Le juge a également relevé que la réduction de sa rémunération se limite à la perte de la NBI qui correspondait à seulement 3 % de sa rémunération brute mensuelle. S’agissant de la dégradation de son état de santé, le juge considère que le requérant n’établit pas le lien de causalité avec la décision litigieuse.  

Ainsi, malgré la perte de rémunération et une dégradation de l’état de santé de l’agent, le Conseil d’Etat considère que la condition d’urgence n’est pas satisfaite et rejette la demande de suspension.