le 19/12/2018

Application de la jurisprudence SMATP au recours d’un candidat évincé contre la décision de refus de résilier un marché public

CE, 30 novembre 2018, GIE Groupement périphérique des huissiers de justice, n° 416628

Par une décision du 30 novembre dernier, le Conseil d’Etat a fait application de sa jurisprudence du 30 juin 2017, Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche, dite « SMPAT » (n°398445).

Pour mémoire, cette jurisprudence du Conseil d’Etat établit, dans la continuité de la décision du 4 avril 2014, Département Tarn-et-Garonne (n°358994), le régime d’un recours de pleine juridiction ouvert aux « tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l’exécution du contrat ».

Dans l’affaire commentée, la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris a attribué au Groupement d’Intérêt Economique (GIE) dénommé « Groupement des poursuites extérieures » sept lots d’un marché public portant sur l’intervention des huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux du département de Paris.

Considérant que le titulaire du marché avait commis des actes frauduleux en procédant, par l’intermédiaire du GIE lui-même et non d’huissiers, au recouvrement par chèque d’amendes, un autre GIE, le GIE Groupement périphérique des huissiers de justice, a introduit un recours demandant à ce qu’il soit mis fin à ces marchés. N’ayant pas obtenu satisfaction en première instance et en appel contre cette décision de rejet, le GIE s’est finalement pourvu en cassation.

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat admet tout d’abord la recevabilité du moyen du GIE tiré de la méconnaissance par le titulaire du marché du monopole des huissiers de justice en matière de recouvrement par chèque des amendes en vertu de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers et son arrêté d’application du 5 août 2006.

En effet, un requérant peut, dans le cadre du recours SMPAT, « se prévaloir d’inexécutions d’obligations contractuelles qui, par leur gravité, compromettent manifestement l’intérêt général » et à la condition que ce moyen soit « en rapport direct avec l’intérêt lésé dont le tiers requérant se prévaut »[1].

Dans ses conclusions à la jurisprudence SMPAT ,  le rapporteur public, M. Gilles Pellissier, avait précisé, au regard de la résiliation pour faute, que « dès lors qu’il s’agit d’une mesure intimement liée à l’exécution du contrat, les tiers, qui n’ont pas à s’immiscer dans la conduite des relations contractuelles […], ne devraient pas pouvoir invoquer des fautes du cocontractant dans l’exécution du contrat au soutien de la contestation du refus de la personne publique de le résilier » sauf dans « […] l’hypothèse d’inexécutions d’une gravité ou d’une portée telle qu’elles compromettent l’intérêt général ». Cette possibilité existe également dans le cadre de l’action en reprise des relations contractuelles (cf.  CE, 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806)[2].

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a jugé que le montant des chèques irréguliers étaient faibles et que le titulaire du marché n’avait pas eu d’intention frauduleuse. Partant, le Conseil d’Etat conclut que les irrégularités dans l’exécution du contrat « n’étaient pas constitutives d’inexécutions d’obligations contractuelles qui, par leur gravité, compromettraient manifestement l’intérêt général et justifiaient qu’il soit mis à l’exécution » du marché.

Le pourvoi est donc rejeté par le Conseil d’Etat.

[1] cf. CE, 30 juin 2017, Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche, n° 398445.

[2] Pour un exemple, voir CE, 16 novembre 2016, Commune d’Erstein, n° 401321.