le 18/10/2017

Annonce du Ministère de la cohésion des territoires de sa volonté de limiter davantage les recours abusifs contre les permis de construire dans le cadre de la présentation de sa « stratégie logement »

Dossier de presse - Présentation de la stratégie logement du gouvernement

Annonce du Ministère de la cohésion des territoires de sa volonté de limiter davantage les recours abusifs contre les permis de construire dans le cadre de la présentation de sa « stratégie logement ».
Le 20 septembre 2017, le Ministère de la cohésion des territoires a publié le dossier de presse relatif à sa « stratégie logement ». A ce titre, il a mis en avant sa volonté de limiter les recours abusifs contre les permis de construire.
Le Ministère part du constat suivant : « Actuellement en France, un recours devant le tribunal administratif dure en moyenne de dix-huit à vingt-quatre mois, auxquels peut être ajoutée éventuellement la durée d’un appel et d’un pourvoi en cassation. ». Il indique que ces recours freinent significativement la construction de logement et précise : « Selon la Fédération de la promotion immobilière, près de 30 000 logements sont ainsi bloqués. »
Pour cette raison, il entend d’une part, renforcer les moyens de lutte contre les recours abusifs et d’autre part, proposer de nouvelles mesures afin de maîtriser la durée des procédures.  A cette fin, il veut « limiter la possibilité de déposer sans fin de nouveaux moyens de recours ».
A la lecture de ces objectifs, il est difficile de ne pas songer à l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme qui avait instauré l’article L.600-7 du Code de l’urbanisme disposant : « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel.
Lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du code de l’environnement est l’auteur du recours, elle est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes. »
Or, au regard de la jurisprudence existante, force est de constater qu’en majorité, les demandes en recours abusif sont rejetées, le juge administratif accueillant très rarement le moyen selon lequel les conditions du recours mis en œuvre excédent la défense des intérêts légitimes du requérant ou que le préjudice présente un caractère excessif (Cour administrative d’appel de Marseille, 23 mars 2017, n° 15MA00644 ; Cour administrative d’appel de Marseille, 20 mars 2014, n° 13MA02161).

Comme mis en avant dans le dossier de presse susvisé, « le recours contre une autorisation de construire bloque la situation : les notaires hésitent à finaliser la vente et les banques à débloquer les financements. Pendant ce temps, le projet est bloqué, remettant à plus tard la livraison des logements. ».
Et c’est là où apparait la discordance entre réalité juridique et réalité économique. Concrètement, le moyen tiré du préjudice causé par le retard pris dans la réalisation du projet de construction est généralement rejeté par le juge administratif du fait de l’absence d’effet suspensif des recours, ne privant pas le bénéficiaire du permis de construire attaqué de la disposition de son terrain (Cour administrative d’appel de Nantes, 30 Décembre 2014 – n° 13NT01278).
Dès lors, on comprend les enjeux de l’intervention du gouvernement dans ce domaine. En l’état des textes, le coup d’éclat qu’avait constitué la célèbre décision du Tribunal administratif de Lyon de 2015 (TA Lyon, 17 novembre 2015, n°1303301) octroyant 82.700 euros de dommages et intérêts en application de l’article L.600-7 du Code de l’urbanisme semble devoir rester isolé.
Par ailleurs, le ministère rappelle sa volonté de limiter la possibilité d’invoquer de nouveaux moyens tout au long de la procédure. Cette ambition fait, elle aussi, écho aux dispositions résultant de l’ordonnance précitée et portant sur la cristallisation des moyens (pour rappel, devant son succès, l’ancien article R.600-4 du Code de l’urbanisme, abrogé par le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, a vu son utilité étendue à l’ensemble du contentieux administratif).
En effet, en application de l’article R.611-7-1 du Code de justice administrative, il est déjà possible de « figer » les moyens existants en fixant une date limite au-delà de laquelle de nouveaux moyens ne pourront plus être soulevés par le requérant.
Par conséquent, la lecture du dossier de presse fait état d’ambitions anciennes et insatisfaites mais ne précise pas les solutions concrètes. Si le problème est bien cerné, les axes envisagés semblent redondants avec les outils déjà existants.
En tout état de cause, le Gouvernement ne saurait se satisfaire des outils juridiques résultant de l’ordonnance de 2013 susvisée. D’aucuns appellent à la mise en place de procédures contentieuses, propres aux autorisations d’urbanisme. A ce titre, il serait envisageable de scinder la procédure en permettant dans un premier temps au juge administratif d’examiner, dans des délais d’urgence, la seule recevabilité de la requête. Dans un second temps, en cas de recevabilité de la demande, une procédure d’examen au fond pourrait avoir lieu, dans des délais restreints (4 à 6 mois).
Ce séquençage de la procédure contentieuse permettrait ainsi de prendre en considération le caractère économiquement suspensif des recours contentieux dirigés contre les autorisations d’urbanisme en limitant ainsi les périodes d’insécurité juridique des projets.