le 06/10/2020

Aides d’Etat : une centrale nucléaire peut bénéficier d’une aide d’Etat dans l’Union européenne

CJUE, 22 septembre 2020, aff. C‑594/18 P, République d’Autriche c/ Commission européenne

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est récemment prononcée sur une question importante, celle de savoir si la construction d’une centrale nucléaire peut faire l’objet d’une aide d’État approuvée par la Commission européenne au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c) du Traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). 

A l’origine de ce contentieux, la République d’Autriche, résolument opposée au nucléaire, avait mis en cause la validité de la décision 2015/658 de la Commission du 8 octobre 2014 relatif au soutien financier du Royaume‑Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord à la construction de la centrale nucléaire de Hinkley Point C, située sur la côte sud-ouest de l’Angleterre.  

L’affaire avait ainsi fait l’objet d’un arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2018, Autriche c/ Commission (T‑356/15), contesté devant la CJUE. 

Par son arrêt commenté, la CJUE a rejeté le recours en annulation introduit par la République d’Autriche. 

Parmi les moyens soulevés, la République d’Autriche faisait notamment valoir que la construction d’une nouvelle centrale nucléaire ne constituait pas un objectif légitime dans l’intérêt de l’Union susceptible d’être poursuivi par des aides d’État.  Sur ce point, la République d’Autriche faisait valoir que le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant que l’aide était compatible avec le marché intérieur au motif qu’elle servait un intérêt public plutôt que de rechercher si elle servait l’« intérêt commun ».  

Au total, cinq moyens avaient été présentés qui sont rappelés dans les conclusions de l’avocat général

La Cour a, tout d’abord, rappelé que, pour pouvoir être déclarée compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous c), du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), une aide d’État doit remplir deux conditions, la première étant qu’elle doit être destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, la seconde étant qu’elle ne doit pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.  

Cette disposition n’exige pas, en revanche, que l’aide envisagée poursuive un objectif d’intérêt commun. Dès lors, la Cour a rejeté comme non fondés les différents arguments de l’Autriche tirés du fait que la construction d’une nouvelle centrale nucléaire ne constituerait pas un objectif d’intérêt commun.  

La Cour a, en outre, confirmé que, en l’absence de règles spécifiques dans le traité Euratom, les règles du TFUE en matière d’aides d’État ont vocation à s’appliquer dans le secteur de l’énergie nucléaire. Et, contrairement à ce qu’avait jugé le Tribunal de l’Union européenne, le traité Euratom ne s’oppose pas non plus à l’application dans ce secteur des règles du droit de l’Union en matière d’environnement, de sorte qu’une aide d’État en faveur d’une activité économique appartenant au secteur de l’énergie nucléaire, dont l’examen révèlerait qu’elle viole des règles environnementales, ne saurait être déclarée compatible avec le marché intérieur. 

L’arrêt confirme le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique, sans exclure que ce choix puisse porter sur l’énergie nucléaire : 

« Ainsi, le choix de l’énergie nucléaire appartenant, selon ces dispositions du traité FUE, aux États membres, il apparaît que les objectifs et les principes du droit de l’Union en matière d’environnement et les objectifs poursuivis par le traité Euratom, (…) ne sont pas en contradiction, de telle sorte que, contrairement à ce que soutient la République d’Autriche, les principes de protection de l’environnement, de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité ne peuvent être considérés comme s’opposant, en toutes circonstances, à ce que des aides d’État en faveur de la construction ou de l’exploitation d’une centrale nucléaire soient octroyées ». 

Il s’en suit que le Royaume-Uni était en droit de déterminer la promotion de l’énergie nucléaire et, plus spécifiquement, l’incitation à la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire, comme un objectif d’intérêt public au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.