le 23/06/2020

Actualités relatives au principe d’information et de participation du public en matière environnementale

Circulaire du 11 mai 2020 relative à la mise en œuvre des dispositions régissant le droit d’accès à l’information relative à l’environnement

Conseil Constitutionnel, 28 mai 2020, Décision n° 2020-843 QPC 

CJUE, 28 mai 2020, IL et a. c. Land Nordrhein-Westfalen, C‑535/18

 

Le principe d’information et de participation du public en matière environnementale, inscrit notamment à l’article 7 de la Charte de l’Environnement, a récemment fait l’objet de précisions par le biais de différentes sources.

 

 

I – Publication d’une circulaire relative à la mise en œuvre des dispositions régissant le droit d’accès à l’information relative à l’environnement

 

La Ministre de la transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, a tout d’abord publié une circulaire le 11 mai 2020, relative à la mise en œuvre des dispositions régissant le droit d’accès à l’information relative à l’environnement. Cette circulaire a pour objectif d’améliorer l’accompagnement et le suivi de l’exécution des dispositions régissant le droit d’accès à l’information relative à l’environnement, le constat ayant été fait d’une connaissance limitée de ce dispositif tant du public que de certaines autorités publiques qui tardent à remplir leurs obligations en la matière.

La circulaire comporte six annexes qui constituent des fiches thématiques sur les points suivants :

  • Fiche n° 1 : Les principaux textes en vigueur relatifs à l’accès à l’information relative à l’environnement ;
  • Fiche n° 2 : Le champ d’application : notion d’information environnementale et d’autorités publiques concernées ;
  • Fiche n° 3 : Les motifs légaux de refus de communication ;
  • Fiche n° 4 : L’accès sur demande aux informations relatives à l’environnement : modalités de communication et de refus ;
  • Fiche n° 5 : Les mesures destinées à faciliter l’accès aux informations relatives à l’environnement : liste des établissements publics et autres personnes qui exercent pour le compte et sous le contrôle des autorités publiques des missions de service public en rapport avec l’environnement, réparatoires ou listes des catégories d’informations relatives à l’environnement détenues et désignation d’une personne responsable de l’accès à l’information relative à l’environnement ;
  • Fiche n° 6 : La diffusion publique des informations relatives à l’environnement.

 

Outre ces fiches thématiques, la Ministre a insisté sur deux points. Le premier concerne le respect des modalités de communication et de refus de communication des informations relatives à l’environnement. Il est notamment souligné que les administrations sont tenues d’accuser réception de toutes les demandes qui leur sont faites en la matière et de répondre explicitement dans le délai d’un mois, avec, en cas de refus de la communication, notification de ce refus par écrit au demandeur avec mention des motifs du rejet ainsi que des voies et délais de recours, sous peine d’illégalité.

Le deuxième point sur lequel la Ministre a insisté concerne la désignation d’une personne responsable de l’accès à l’information relative à l’environnement qui doit être portée à la connaissance du public, qui est de fait la personne responsable de l’accès aux documents administratifs. A défaut d’une telle personne, une autre personne doit être désignée spécifiquement. Par ailleurs, afin de faciliter l’accès du public aux informations relatives à l’environnement, cette personne doit être identifiable. Les Préfets ainsi que les représentants de l’Etat dans les collectivités d’outre-mer sont ainsi tenus de recenser pour leur département ou collectivité les personnes responsables de cette mission, recensement qui devra être communiqué à la Ministre.

 

 

2 – Décision du Conseil constitutionnel relative aux décisions autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité

 

Le Conseil constitutionnel a rendu le 20 mai 2020 une décision QPC portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 311-5 du Code de l’énergie, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du Code de l’énergie, qui dispose :

« L’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité est délivrée par l’autorité administrative en tenant compte des critères suivants :

« 1 ° La sécurité et la sûreté des réseaux publics d’électricité, des installations et des équipements associés ;

« 2 ° Le choix des sites, l’occupation des sols et l’utilisation du domaine public ;

« 3 ° L’efficacité énergétique ;

« 4 ° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ;

« 5 ° La compatibilité avec les principes et les missions de service public, notamment avec les objectifs de programmation pluriannuelle des investissements et la protection de l’environnement ;

« 6 ° Le respect de la législation sociale en vigueur.

« L’autorisation est nominative et incessible. En cas de changement d’exploitant, l’autorisation ne peut être transférée au nouvel exploitant que par décision de l’autorité administrative ».

 

L’association requérante soutenait que la décision administrative autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité a une incidence directe et significative sur l’environnement et que cet article ne prévoyait aucun dispositif permettant la participation du public à l’élaboration de cette décision, et que, dès lors, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence et l’article 7 de la Charte de l’environnement.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel retient que l’article L. 311-5 prévoit que, l’autorité administrative, lorsqu’elle se prononce sur une telle autorisation, tient compte, notamment, du « choix des sites » d’implantation de l’installation, des conséquences sur l’« occupation des sols » et sur l’« utilisation du domaine public », de l’« efficacité énergétique » de l’installation et de la compatibilité du projet avec « la protection de l’environnement ». Le Conseil constitutionnel estime dès lors qu’une décision autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité constitue une décision publique ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement et que, à ce titre, le législateur doit prévoir un dispositif de participation du public dans le processus décisionnel.

Le Conseil constitutionnel examine en second lieu si les dispositions de l’article L. 311-5 du Code de l’énergie répondent aux exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement et prévoient un tel dispositif.

A ce titre, le Conseil d’Etat relève que l’ordonnance n° 2013-714 du 5 août 2013 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement a inséré dans le Code de l’environnement l’article L. 120-1-1, entré en vigueur le 1er septembre 2013. Or cet article prévoit « la mise à disposition du public par voie électronique du projet de décision ou, lorsque la décision est prise sur demande, du dossier de demande. Il permet ensuite au public de déposer ses observations, par voie électronique, dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la mise à disposition ».

Partant, le Conseil constitutionnel raisonne en deux temps.

Avant l’entrée en vigueur de cette ordonnance, ni l’article L. 311-5 du Code de l’énergie examiné, ni aucune autre disposition ne prévoyait de dispositif permettant la participation du public et son expression dans le cadre d’une décision autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité. Partant, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 5 août 2013, le législateur a méconnu les exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Cependant, depuis l’entrée en vigueur de cette ordonnance, l’article L. 120-1-1 du Code de l’environnement prévoit, s’agissant des décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement qui n’appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu une participation du public, la mise à disposition du public par voie électronique du projet de décision ou, lorsque la décision est prise sur demande, du dossier de demande.

Dès lors, à compter du 1er septembre 2013, date à laquelle les dispositions de l’ordonnance doivent être regardées comme de valeur législative, la décision autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité peut faire l’objet d’une participation du public grâce au dispositif de participation prévu à l’article L. 120-1-1 du Code de l’environnement.

Partant, les dispositions de l’article L. 311-5 du Code de l’énergie ne méconnaissent plus les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement à compter du 1er septembre 2013.

 

 

3 – Décision de la Cour de Justice de l’Union européenne relative aux informations à communiquer au public en matière de qualité des masses d’eau

 

La question soumise à la CJUE était relative à l’interprétation de l’article 6 et de l’article 11, paragraphe 1, sous b), de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement et de l’article 4, paragraphe 1, sous a), i) à iii), et sous b), i), de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

La question portait plus précisément sur le point de savoir si les documents mis à la disposition du public au titre de l’article 6 de la directive 2011/92 doivent systématiquement comporter un rapport relatif au respect de la réglementation relative à la qualité de l’eau, dans le cadre d’une décision autorisant la construction d’un tronçon d’autoroute et autorisant le maître d’ouvrage à évacuer les eaux pluviales s’écoulant sur les surfaces routières dans trois masses d’eau de surface ou dans les eaux souterraines.

La CJUE retient, s’agissant des obligations relatives à l’information du public, que « L’article 6 de la directive 2011/92 doit être interprété en ce sens que les informations à mettre à la disposition du public au cours de la procédure d’autorisation d’un projet doivent inclure les données nécessaires afin d’évaluer les incidences de ce dernier sur l’eau au regard des critères et obligations prévus ». Il en ressort que l’ensemble des données permettant au public d’apprécier les conséquences d’un projet sur l’eau, et notamment la qualité de cette dernière, doivent être mises à la disposition du public amené à se prononcer sur une décision relative à ce projet.

Or, s’agissant de la réglementation relative à la qualité de l’eau et plus particulièrement de la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration, la CJUE estime en outre que « doit être considéré comme une détérioration de l’état chimique d’une masse d’eau souterraine en raison d’un projet, d’une part, le dépassement d’au moins l’une des normes de qualité ou des valeurs seuils ». Dès lors, si un projet a pour conséquences d’entraîner le dépassement par une masse d’eau d’une norme de qualité ou d’un seuil réglementaire, cela signifie en droit que ce projet a pour conséquence de détériorer l’état chimique d’une masse d’eau souterraine.

Partant, au vu de l’interprétation de l’article 6 de la direction 2011/92, cette conséquence doit être mise à disposition du public afin que ce dernier puisse évaluer les incidences du projet en question et qu’il puisse « faire valoir, devant les juridictions nationales compétentes, la violation des obligations de prévenir la détérioration des masses d’eau et d’améliorer leur état, si cette violation les concerne directement ».