le 30/08/2016

Action en démolition d’une construction illégale et droit au domicile

Cass. Civ., 3ème, 7 avril 2016, n° 15-15011

Dans cette affaire, une SCI constituée de personnes appartenant à la communauté des gens du voyage avait acquis une parcelle d’abord située en zone ND (espace naturel boisé) du plan d’occupation des sols d’une Commune puis en zone naturelle N (espace naturel) du plan local d’urbanisme.  

Ayant entrepris des travaux sans autorisation pour permettre l’implantation de caravanes, la SCI s’est vu enjoindre d’interrompre ces travaux au moyen de plusieurs procès-verbaux d’infraction, puis d’un arrêté d’opposition à la déclaration de travaux, au motif que la parcelle était située dans une zone protégée et que les aménagements étaient de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements.

Les travaux s’étant poursuivis, la Commune a donc assigné la SCI en référé en démolition des aménagements, remise en état des lieux et enlèvement des caravanes.

Pour rejeter le pourvoi formé par la SCI, la Cour de cassation s’est livrée à un contrôle de proportionnalité pour en déduire que la Cour d’appel avait légalement justifié sa décision en jugeant que « l’ingérence de la Commune, qui visait la protection de l’environnement, n’était pas disproportionnée ».

Surtout, la Cour de cassation a précisé que « le droit au domicile », composante du droit à la vie privée protégé par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (ci-après CESDH), ne peut être invoqué que par des personnes ayant entretenu des liens étroits et continus avec un lieu pour que ce dernier soit considéré comme leur domicile.

Or, en l’espèce, les membres de la SCI ne démontrant pas qu’ils étaient établis sur les lieux depuis plusieurs années, la Haute juridiction a estimé que ce droit au domicile ne pouvait pas être invoqué et que, par conséquent, les demandes de remise en état des lieux et d’enlèvement des caravanes de la Commune devaient être suivies d’effet.

Cette solution, qui rappelle que la CESDH n’est pas absente du droit de l’urbanisme, fait d’ailleurs écho à une autre décision, aux termes de laquelle la Cour de cassation avait estimé que l’installation d’une caravane sans autorisation par le propriétaire du terrain d’assiette, situé en zone non constructible, « constitue un trouble manifestement illicite et que l’enlèvement des caravanes ne viole pas l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (Cass. Civ., 3e, 3 mars 2010, Bull. civ. III, n° 54).

Par ailleurs, les liens entre le droit de l’urbanisme et l’article 8 de la CESDH trouvent également une résonnance particulière dans la jurisprudence du Conseil d’Etat s’agissant de l’opération de raccordement aux réseaux publics des constructions ou des installations sur le fondement de l’article L. 111-6 du Code de l’urbanisme.

A ce sujet, si le Conseil d’Etat reconnaît que le refus de raccordement aux réseaux des caravanes implantées irrégulièrement dans une zone inconstructible constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale, une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d’urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l’environnement (CE, 15 décembre 2010, n° 323250, Bayer).

En tout état de cause, ici encore, ce n’est qu’après s’être livré à un contrôle de proportionnalité de la mesure au but légitime poursuivi, que le Juge administratif valide les motifs pouvant justifier le refus de raccordement aux réseaux d’une construction ou installation.