le 03/12/2020

Accès régulé à l’électricité nucléaire : actualités juridiques

Délibération de la CRE du 12 novembre 2020 portant décision sur la méthode de répartition des volumes d’ARENH en cas de dépassement du plafond prévu par la loi et portant orientations sur les principes retenus pour le calcul et la répartition du complément de prix

Communiqué de la CRE du 30 novembre 2020 relatif aux demandes ARENH pour 2021

Arrêté du 12 novembre 2020 modifiant l’arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l’article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité

 

I – Règles applicables aux fournisseurs d’électricité concernant les volumes d’ARENH

 

Dans l’attente d’une possible réforme du dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), la CRE a précisé, par la délibération du 12 novembre 2020 ici commentée, les règles applicables quant à la méthode de répartition des volumes d’ARENH en cas de dépassement du plafond prévu par la loi et les principes retenus pour le calcul et la répartition du complément de prix.

 

Ces règles ont vocation à s’appliquer pour le guichet de novembre 2020. Elles reprennent les règles qui avaient été déjà posées pour le guichet de novembre 2019 et que nous avions commentées dans notre brève parue dans la LAJEE n° 55 de novembre 2019.

 

Notamment, la CRE a prévu que dans l’hypothèse où le volume global d’ARENH demandé serait manifestement excessif par rapport au rythme prévisible de développement de la concurrence, la CRE pourra s’écarter de la règle de répartition du plafond au prorata des demandes pour un fournisseur dont les volumes demandés seraient manifestement disproportionnés par rapport à son besoin et qui ne serait pas en mesure de justifier ces volumes.

 

Dans ce cas, les quantités manifestement excessives demandées par ce fournisseur seront écrêtées intégralement. Le cas échéant, la CRE pourra n’attribuer aucun volume d’ARENH au fournisseur concerné.

 

A cet égard, le 30 novembre dernier, la CRE a indiqué avoir reçu pour l’année 2021 un total de demandes de 146,2 TWh d’électricité formulées par 81 fournisseurs (hors fourniture des pertes des gestionnaires de réseau et hors filiales d’EDF), alors que la quantité d’électricité allouée aux fournisseurs au prix de 42 € par MWh demeure plafonnée à 100 TWh.

 

Il apparait que la demande d’ARENH pour l’année 2021 est très légèrement inférieure à celle de l’année dernière (147,0 TWh), déposée par 73 fournisseurs. La CRE explique cette légère baisse par le ralentissement de la concurrence pendant la crise sanitaire et par les anticipations de baisse de la consommation en 2021 liées à cette crise.

 

La CRE a donc procédé à la répartition du volume ARENH de 100 TWh au prorata des demandes des fournisseurs, à l’exception des filiales d’EDF qui ont été intégralement écrêtées (article R336-18 du code de l’énergie et délibération n° 2020-277 de la CRE du 12 novembre 2020).

 

Dans le cadre de cette communication, la CRE a renouvelé sa recommandation aux autorités françaises et européennes d’augmenter le plafond des volumes de l’ARENH, qui n’est plus adapté à la situation actuelle sur le marché français de l’électricité. La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a ouvert cette faculté. La balle est dans le camp du Gouvernement, sous le regard toutefois peu favorable d’EDF qui revendique une augmentation du prix de l’ARENH de 42 € par Mwh.

 

 

II – Nouveau modèle d’accord-cadre ARENH

 

Les relations entre les fournisseurs d’électricité et EDF, producteur d’électricité nucléaire, sont régies par un accord-cadre conformément en  application des dispositions de l’article L. 336-5 du code de l’énergie[1].

 

Les stipulations de cet accord-cadre sont définies et peuvent être modifiées par arrêté du ministre chargé de l’énergie pris sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). 

 

Au cours de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, des conflits d’interprétation sont apparus dans l’application des stipulations de l’accord-cadre ARENH relatives à la force majeure (voir nos commentaires des décisions de justice rendues dans la LAJEE n° 61 de mai 2020).

 

C’est la raison pour laquelle la CRE avait recueilli les positions des acteurs sur les modifications de l’accord-cadre ARENH afin de clarifier les stipulations applicables, notamment en cas de survenance d’un événement de force majeure telle que l’actuelle crise sanitaire. 

 

A l’issue de cette consultation, la CRE a proposé une modification de l’accord-cadre ARENH objet d’une brève dans la LAJEE n° 64 parue en septembre 2020.

 

Ces modifications devaient être arrêtées par le ministre chargé de l’énergie. C’est l’objet de l’arrêté du 12 novembre 2020 qui vient modifier le modèle d’accord cadre.

 

Ce modèle comporte une nouvelle la définition de l’événement de force majeure figurant à l’article 10 de l’accord-cadre. Elle simplifie la définition de l’événement de force majeure et de la rapprocher de la définition de la force majeure figurant à l’article 1218 du Code civil en supprimant de cette clause la référence aux « conditions économiques raisonnables ».

L’accord-cadre précise ensuite les modalités opérationnelles applicables lorsqu’une partie à l’accord-cadre invoque le bénéfice de la force majeure (clarification des délais et des modalités de notification, échanges entre les parties et avec la CRE,…).

L’accord-cadre modifie également les conditions de mise en œuvre de la résiliation anticipée à l’initiative de l’acheteur. Ainsi il est prévu une faculté de résiliation en cas de persistance de l’événement de force majeure : « Si la suspension de l’exécution des obligations des Parties perdure au-delà de deux (2) mois, la Partie non défaillante aura la faculté de résilier l’accord-cadre […] ».

 

Des sujets qui étaient précisément au cœur des débats contentieux pendant la crise sanitaire et qui avaient été tranchés, en référé, en faveur des fournisseurs.

[1] Article L. 336-5 du Code de l’énergie : « un accord-cadre conclu avec Électricité de France garantit, dans les conditions définies par le présent chapitre, les modalités selon lesquelles ce fournisseur peut, à sa demande, exercer son droit d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique pendant la période transitoire par la voie de cessions d’une durée d’un an ».