le 21/11/2019

A l’aune de l’ouverture à la concurrence… les TER fortement bousculés

Cour des comptes, Rapport public thématique, Synthèse, octobre 2019, Les transports express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence, Des réformes tardives, une clarification nécessaire

Alors que l’ouverture à la concurrence des TER est imminente – à compter du 3 décembre prochain, les Régions peuvent officiellement expérimenter l’exploitation de tout ou partie de leur réseau après une procédure de sélection de l’exploitant – ce sont quelques « révolutions » qui ont résulté d’une série de jugements rendus par le Tribunal administratif de Marseille le 15 octobre dernier.

On le savait, les relations entre la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (aujourd’hui Région Sud) avec la SNCF étaient particulièrement tendues depuis quelques années, ce qui avait conduit la Région à ne pas renouveler la convention TER avec SNCF Mobilités en 2016, et à ce que le service fonctionne sans contrat entre 2017 et 2019, une nouvelle convention ayant finalement été conclue début 2019.

 

1 – SNCF Mobilités avait alors déféré au Tribunal administratif de Marseille les délibérations respectivement prises par le Conseil régional, pour 2017 et 2018, imposant unilatéralement les prescriptions d’exécution du service et fixant le montant de la compensation financière prévisionnelle à verser à l’opérateur, celui-ci ayant été sommé d’assurer l’exécution du service au nom du principe de continuité du service public.

Devant la situation de blocage de négociation d’une nouvelle convention entre l’AOT régionale et SNCF Mobilités, le Tribunal juge que la Région pouvait avoir recours aux dispositions de l’article 5.5 du Règlement dit OSP du 23 octobre 2007 prévoyant la fixation unilatérale d’obligations de service public en cas de risque imminent d’interruption des services, dès lors qu’au mois de décembre 2016, les conditions d’exercice du service pour 2017 n’étaient toujours pas fixées, et ce « quels que soient les motifs de l’échec des négociations intervenues entre SNCF Mobilités et la région PACA ».

Le Tribunal précise par ailleurs que la Région n’était nullement tenue de proroger par avenant la convention TER en cours.

Il écarte ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions du Règlement, ainsi que celui tiré d’un détournement de pouvoir et de procédure, les délibérations en litige ayant été justifiées par les « nécessitées de l’intérêt général ».

Le Tribunal entérine donc le fait que les AOT ne sont pas tenues de conclure une convention TER avec SNCF Mobilités dont le contenu ne les satisfait pas et peuvent fixer unilatéralement le contenu du service et le montant de la contribution régionale à verser à l’opérateur.

 

2 – Autre pavé dans la mare, plus notable encore : le Tribunal juge que la convention TER passée entre la Région et SNCF Mobilités pour la période 2006-2016 est illégale en ce que ses dispositions financières, notamment celles forfaitisant des postes de charges englobant une quote part des frais de structures nationaux de la SNCF, ne sont pas suffisamment détaillées et sincères pour répondre aux impératifs du droit de l’Union européenne.

Ce faisant, le Tribunal remet complètement en cause le schéma contractuel même des services ferroviaires régionaux de voyageurs pratiqué par SNCF Mobilités (les modalités de calcul des charges) auprès de toutes les AOT régionales.

Bien plus, l’enjeu de cette décision – si elle devait ne pas être contestée ou être définitivement confirmée – est que les sommes versées par les AOT régionales à SNCF Mobilités seraient considérées comme des aides publiques illégales, que l’Etat français devrait reverser à l’Union européenne et récupérer auprès des différentes régions !

Il faudra donc examiner de près si la SNCF entend interjeter appel de ces décisions, et, le cas échéant, la position qui sera prise par la Cour administrative d’appel voire le Conseil d’Etat.

 

3 – Enfin, la Cour des comptes critique encore largement le fonctionnement des TER à l’heure de l’ouverture à la concurrence, dans un rapport thématique publié en octobre dernier. La Cour pointe notamment un investissement croissant des régions dans les services TER, et un niveau de subventionnement de l’opérateur monopolistique toujours plus élevé contrastant avec « une qualité de service insuffisante et une fréquentation en baisse». La Cour déplore l’état fortement dégradé d’une partie du réseau, en particulier s’agissant des lignes peu fréquentées, et l’absence de mesures incitatrices dans les conventions conclues avec SNCF Mobilités.

Depuis 2012, les coûts d’exploitation du service sont en hausse constante, dont 88% sont pris en charge par des subventions publiques ! La Cour pointe à cet égard la participation trop faible des usagers au coût du service, les exemples étrangers montrant l’importance de ce facteur dans la réussite du transport ferroviaire régional…

Enfin, la Cour souligne une préparation insuffisante à l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires régionaux de voyageurs, et pointe, comme c’est souvent le cas à ce sujet, la problématique de la fourniture des données industrielles et commerciales de la SNCF aux AOT. Elles ne disposent pas d’une visibilité très précise sur les services de leur territoire, ce qui provoque(ra) des difficultés dans la préparation des appels d’offres.