le 04/10/2018

Projet de loi ELAN : les mesures à portée environnementale

Projet de loi ELAN

Le 19 septembre dernier, le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) a été adopté par la commission mixte paritaire joignant les représentants des deux assemblées parlementaires. Déposé le 4 avril 2018 devant l’Assemblée Nationale, le texte a fait l’objet de nombreux débats au cours de ces derniers mois.

Abordant de nombreux sujets très divers : politiques d’aménagement de l’espace, d’urbanisme, d’accès au logement et, notamment, du logement social, de développement des économies d’énergie ou encore de simplification du déploiement des réseaux de communication électronique, le projet de loi a été maintes fois remanié par l’Assemblée Nationale et le Sénat pour aboutir à un consensus pourtant encore soumis à quelques interrogations et critiques.

Parmi ces interrogations se pose ainsi, notamment, la question de l’impact environnemental de cette loi. En effet, plusieurs dispositions du projet de loi ont une portée environnementale. Ainsi, par exemple, de nouvelles dispositions applicables à l’évaluation environnementale imposent à l’autorité qui décide de soumettre un projet à ce type d’évaluation de préciser les objectifs spécifiques poursuivis par la réalisation de l’évaluation environnementale du projet (article 5 du projet de loi).

Par ailleurs, parmi les dispositions ayant une portée environnementale et qui méritent d’être examinées de plus près, on peut noter en particulier celles qui visent à favoriser l’urbanisation (I), celles qui vise à améliorer la qualité de l’air (II) et encore les dispositions relatives à la revitalisation du centre-ville par qui passe par l’implantation d’activité commerciales notamment (III).

I/ Les mesures favorisant les politiques d’urbanisation

En premier lieu, il convient de relever que le projet de loi modifie les dispositions du Code de l’urbanisme afin de favoriser l’urbanisation de certaines zones.

1/ Sur ce point, on notera en effet, d’abord que peuvent désormais déroger au principe selon lequel, en l’absence de plan local d’urbanisme, de tout document d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune, « les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production et dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées » (art. 12 quater B du projet de loi modifiant l’article L. 11-4 C. urba). Pour pouvoir être réalisées en dehors des parties urbanisées, ces constructions doivent toutefois présenter des garanties quant à leur compatibilité avec la sauvegarde des espaces naturels et des paysages et ne peuvent en outre, être réalisées dans les zones naturelles (même article).

2/ De plus, l’article 12 quinquies du projet de loi, dont les dispositions sont encore soumises à critique, modifie les dispositions à l’article L. 121-8 Code de l’urbanisme.  D’une part, il supprime la notion de « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement », qui ne fait pas l’objet d’une définition juridique précise et y substitue la notion de « secteurs déjà urbanisés ». D’autre part, il intègre de nouvelles dispositions à ce même article visant à permettre, dans ces secteurs, de nouvelles constructions et installations. Ces possibilités sont toutefois limitées aux constructions et installations aux fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics, lorsque celles-ci n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Les constructions doivent en outre se situer en dehors de la limite des 100 mètres (l’article L. 121-26 Code de l’urbanisme prévoit l’interdiction de construire sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares), des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau. Elles ne doivent, par ailleurs, pas porter atteinte à l’environnement et aux paysages.

Ces nouvelles dispositions reviennent sur les mesures issues de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (dite loi Littoral) qui avaient autorise la réalisation de nouvelles constructions dans la continuité des zones déjà urbanisées seulement et évitaient ainsi une densification de la côte. Si elles sont critiquées au regard du risque qu’elles créent de « bétonisation » de la côte, ces nouvelles mesures répondent aux problématiques liées à la constitution de « dents creuses ». Le projet de loi prévoit alors qu’il appartiendra au SCOT de « déterminer les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l’article L. 121-8, et en définit la localisation ». Le recours aux procédures simplifiées de révision du SCOT et du PLU est encore prévu pour favoriser la mise en œuvre de ces nouvelles mesures.

Plus encore, on notera que l’article 12 sexies permet, par dérogation à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, c’est à titre à l’obligation de continuité de l’urbanisation, « les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines » après l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État et l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Les constructions nécessaires aux activités marines ne sont, par ailleurs, pas soumises à l’interdiction d’être édifiées en dehors des espaces proches du rivage.

3/ On notera encore, parmi les mesures relatives à l’urbanisation, que le projet de loi renforce la protection des espaces remarquables limitant le type d’aménagement légers qui peuvent être envisagés dans ces zones à une liste qui doit encore être adoptée par décret (article 12 nonies).

Enfin, les dispositions favorisant l’implantation d’éoliennes sur les petites îles ont été également adoptées. L’article L. 121-5 du Code de l’urbanisme devrait en effet être modifié pour intégrer les dispositions suivantes : « Dans les zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental dont la largeur est inférieure à dix kilomètres au maximum, les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables peuvent être autorisés par dérogation aux dispositions du présent chapitre, après accord du représentant de l’État dans la région ».

 II/ Les mesures portant sur la performance énergétique et la qualité de l’air

Au-delà des dispositions visant à favoriser la performance énergétique des bâtiments, notamment par l’intégration de cet objectif dans la politique d’aide au logement (article 20 bis du projet de loi) ou encore les mesures relatives au chauffage individuel et celles développant les diagnostics immobiliers (notamment par la création d’un observatoire dédié), le projet de loi tend également à favoriser la qualité de l’air.

A cette fin, il consacre au niveau législatif l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur créé en juillet 2001 dans le cadre du Plan national santé environnement (PNSE).

De plus, l’article 21 bis E prévoit que « dans le cadre d’un plan de protection de l’atmosphère, le représentant de l’État dans le département peut interdire l’utilisation des appareils de chauffage contribuant fortement aux émissions de polluants atmosphériques ».

III/ La revitalisation des centres villes

L’article 54 du projet de loi prévoit de compléter l’article 303-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) pour y intégrer l’objectif de revitalisation du territoire.

Cet objectif est défini comme « la mise en œuvre d’un projet global de territoire destiné à adapter et moderniser le parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux ainsi que le tissu urbain de ce territoire pour améliorer son attractivité, lutter contre la vacance des logements et des locaux commerciaux et artisanaux ainsi que contre l’habitat indigne, réhabiliter l’immobilier de loisir, valoriser le patrimoine bâti et réhabiliter les friches urbaines, dans une perspective de mixité sociale, d’innovation et de développement durable ».

Ces opérations donnent lieu à une convention entre l’État, ses établissements publics intéressés, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et tout ou partie de ses communes membres, ainsi que toute personne publique ou tout acteur privé susceptible d’apporter un soutien ou de prendre part à la réalisation des opérations prévues par la convention.

Dans le cadre de ce projet de revitalisation qui s’inscrit dans une « action globale afin de lutter contre la dévitalisation des centres-villes et des centres-bourgs de nombreuses communes » (Rapport n° 630 (2017-2018) de Mme Dominique ESTROSI SASSONE, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 4 juillet 2018), on notera particulièrement la volonté du législateur de favoriser la réhabilitation des friches urbaines.

Encore peut-on noter que le projet de loi rend plus contraignantes les procédures de démantèlement et de remise en état des sites sur lesquels une exploitation commerciale a cessé (article 54 bis D). S’agissant de l’implantation des exploitations commerciales dans une zone de revitalisation de territoire comprenant un centre-ville identifié par la convention de revitalisation, évoquée ci-avant, elle n’est pas soumise à autorisation. La convention conclue dans le cadre du projet de revitalisation peut toutefois soumettre à autorisation d’exploitation commerciale « les projets mentionnés aux 1° à 6° de l’article L. 752-1 du présent code dont la surface de vente dépasse un seuil qu’elle fixe et qui ne peut être inférieur à 5 000 mètres carrés ou, pour les magasins à prédominance alimentaire, à 2 500 mètres carrés ».

En revanche, on relèvera que les dispositions visant à permettre aux restaurateurs d’implanter des pré-enseignes publicitaires en dehors des agglomérations, adoptées par le Sénat au mois de juillet, a disparu de la dernière version du texte.

Clémence Du Rostu, Directrice du secteur environnement