le 14/01/2020

Application par le CORDIS de la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil à un différend relatif aux conditions d’accès au réseau public de distribution d’électricité

Décision n° 05-38-18 et n° 06-38-18 du 4 décembre 2019 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie sur les différends qui opposent les sociétés Energies Nouvelles Investissements et JLT Invest à la société SRD

Par une décision du 4 décembre 2019 statuant sur les différends qui opposaient les sociétés Energies Nouvelles Investissements et JLT Invest à la société SRD, le Comité de Règlement des Différends et des Sanctions (ci-après, « CORDIS ») de la Commission de régulation de l’énergie a fait application de la règle de la prescription quinquennale posée par l’article 2224 du Code civil à un différend opposant deux usagers à un gestionnaire du réseau de distribution (ci-après, « GRD ») public d’électricité au sujet des conditions d’accès audit réseau.

Le CORDIS était saisi de deux différends similaires opposant la société SRD, gestionnaire de réseau public de distribution d’électricité (entreprise locale de distribution sur le territoire de la Vienne), d’une part, à des filiales de la société Energies Nouvelles Investissements et, d’autre part, à des filiales de la société JLT Invest au sujet de plusieurs conventions de raccordement et d’accès au réseau public de distribution d’électricité conclues pour leurs installations de production photovoltaïque durant les années 2010 à 2015.

Les conditions générales de ces conventions prévoient notamment que la composante annuelle de comptage est calculée par une méthode de comptage dite « à courbe de mesure ». Or, par des lettres du 15 janvier 2018, les sociétés Energies Nouvelles Investissements et JLT Invest ont mis la société SRD en demeure de soumettre à leurs filiales des avenants à leurs conventions de raccordement afin de leur permettre de choisir entre une méthode de comptage à courbe de mesure et une méthode de comptage dite « à index », et de procéder au remboursement des frais trop perçus en raison de la mise en œuvre de la méthode de comptage à courbe de mesure, estimant les stipulations des conditions générales contraires à la décision du 24 mai 2013 des Ministres de l’énergie et de l’économie relative aux tarifs d’utilisation d’un réseau public d’électricité dans le domaine de tension HTA ou BT pour la période du 1er août 2009 au 31 juillet 2013 (Journal Officiel, 26 mai 2013, p.8704).

Les deux sociétés ont ensuite saisi le CORDIS de demandes identiques tendant, notamment, à ce que ce dernier ordonne à la société SRD de leur transmettre sous astreinte des avenants aux contrats de raccordement, d’accès au réseau et d’exploitation conclus par leurs filiales pour leurs installations de production photovoltaïque et faisant état d’un comptage à index, et qu’il constate que la société SRD est redevable à l’égard de chacune des deux sociétés de sommes correspondant au trop-perçu des redevances recouvrées par la société SRD sur les périodes en cause.

Dans la décision commune aux deux sociétés rendue le 4 décembre 2019 et ici commentée, le CORDIS commence par confirmer sa compétence pour statuer sur ces différends opposant des utilisateurs d’un réseau public de distribution d’électricité au gestionnaire de ce réseau, en ce qu’ils sont relatifs aux conditions de l’accès à ce réseau et procèdent d’un désaccord sur la conclusion et l’exécution de contrats destinés à assurer cet accès.

Au fond, le CORDIS fait droit au moyen soulevé par la société SRD et rejette, comme étant frappées de la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du Code civil, les demandes des filiales des sociétés Energies Nouvelles Investissements et JLT Invest.

Pour ce faire, le comité commence par estimer que les règles générales de prescriptions des actions personnelles ou mobilières posées par l’article 2224 du Code civil sont « applicables à une action qui, comme en l’espèce, tend à contester la validité de certaines stipulations contractuelles, peuvent être utilement invoquées devant le comité statuant en matière de règlement de différends ».

Puis, le CORDIS relève que la publication au Journal officiel, le 26 mai 2013, des règles tarifaires posées par la décision du 24 mai 2013 relative aux tarifs d’utilisation d’un réseau public d’électricité dans le domaine de tension HTA ou BT pour la période du 1er août 2009 au 31 juillet invoquées par les sociétés demanderesses à l’appui de leurs prétentions a commencé à faire courir le délai de prescription de 5 ans posé par l’article 2224 du Code civil.

Le CORDIS estime en outre, se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation, que les lettres de mise en demeure adressées par les sociétés demanderesses en janvier 2018 n’ont pas eu pour effet d’interrompre le cours de ce délai de prescription.

Le CORDIS en déduit donc que les demandes de règlement de différends présentées par les sociétés et enregistrées le 24 septembre 2018 sont prescrites, et doivent donc être rejetées.

Cette décision du CORDIS invite ainsi les usagers à faire preuve de vigilance et de réactivité en cas d’évolution des règles applicables aux contrats d’accès au réseau postérieurement à la conclusion desdits contrats.